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Hervé Le Bras

Démographe, Directeur d'études à l'EHESS


Liberté de circulation, la grande oubliée

La liberté se décline sous plusieurs formes : liberté d’expression, liberté de réunion, d’association, de manifestation, mais aussi liberté de circulation. Les atteintes à cette dernière ont beaucoup moins retenu l’attention que celles aux premières. La déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ne la mentionne pas. En son article 4, elle donne une définition générale de la liberté : tout ce qui ne nuit pas à autrui, et elle consacre son article 11 à la liberté d’expression : « parler, écrire, imprimer librement », mais rien d’autre.

La déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 est plus explicite. L’article 13 stipule : « 1./ Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l’intérieur d’un État. 2./ Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays. »

Le deuxième point est actuellement violé par la France lorsqu’elle empêche les migrants de rejoindre l’Angleterre à partir de Calais et surtout lorsqu’elle conclue des traités de « voisinage » avec les pays du sud de la Méditerranée pour qu’ils bloquent l’embarquement des migrants vers l’Europe.

Mais, c’est le premier point qui est aujourd’hui en pleine actualité. De quoi se sont plaints les gilets jaunes lorsqu’ils se sont soulevés le 17 novembre ? Du coût des carburants. Ils ont vécu l’ajout de la taxe écologique comme la mesure de trop après la limitation de vitesse à 80 km par heure et surtout le discrédit porté sur le diesel. Ces mesures rationnellement justifiées frappaient deux catégories de Français, ceux qui avaient choisi de s’installer à distance des grands centres, dans le péri-urbain, et ceux qui étaient demeurés dans des zones dépeuplées. L’Etat avait conclu un pacte implicite avec eux, leur garantissant la facilité de circulation en échange de l’éloignement des services et des emplois. Il revenait sur son engagement qui était la simple application de l’article 13 1/. La liberté de circulation des hommes est la première liberté, celle qui conditionne les autres, n’en déplaise aux défenseurs de la seule liberté de circulation des marchandises qui se disent libéraux.

Paradoxalement, en paralysant la circulation sur les ronds-points, en incendiant des véhicules lors de leur manifestation, en endommageant plus de la moitié des radars, les gilets jaunes ont eux aussi oublié ce qu’ils voulaient défendre, la liberté et la sûreté de la circulation.

 

 

Hervé Le Bras, Démographe, Directeur d'études à l'EHESS

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