La neuvième édition du Prix du Livre d’Histoire Contemporaine s’est tenue au Panthéon jeudi 5 juin 2025 en présence notamment de Cédric Lewandowski, Directeur exécutif groupe EDF en charge de la direction du Parc Nucléaire et Thermique et Vice-Président de Lire la Société, d’Hervé Gaymard, Président de la Fondation Charles de Gaulle.

Redécouvrez leurs prises de parole lors de la cérémonie.

 

Discours d’ouverture de Cédric Lewandowski – Cérémonie de remise du Prix du Livre d’Histoire Contemporaine – Jeudi 5 juin 2025 – Panthéon, Paris

« Comme chaque année depuis bientôt 10 ans, le Prix du livre d’histoire contemporaine distinguera, dans quelques instants, un essai et une bande-dessinée alliant rigueur scientifique et talent d’écriture au service de la compréhension d’une période qui court de la Troisième République à nos jours.

Ce prix est organisé par l’association Lire La Société. Depuis trente ans maintenant, notre association s’est créée avec le souci que chacun puisse accéder au savoir, à l’information et à ses lumières. La mise à l’honneur de l’histoire nous a dès lors paru une évidence.

 

Je souhaite remercier Franz-Olivier Giesbert, notre Président de Jury, et Renaud Dély, qui nous fait l’amabilité d’animer cette cérémonie, ainsi que l’ensemble des membres du jury ayant participé à cette nouvelle édition.

 

Nous remettons, ce soir, deux récompenses au Panthéon, un lieu chargé d’histoire, le temple de la République, la sépulture éternelle de nos héros. Un lieu que nous avons choisi pour regarder le passé mais aussi pour s’en inspirer afin de dessiner notre avenir.

Dans quelques instants, Hervé Gaymard, président de la Fondation Charles-de-Gaulle, rendra hommage à Jean-Louis Debré, ancien président de l’Assemblée nationale et président du Conseil constitutionnel. C’était un ami du livre sur lequel nous pouvions toujours compter et que nous regrettons. Il fut un vigoureux, un joyeux, un inoubliable président de jury.

 

A sa suite, Annette Wieviorka évoquera la libération des camps, 80 ans après que les Alliés ont mis fin à la barbarie nazie et révélé l’horreur de ce qui se passait derrière les barbelés. Nous lui sommes tous reconnaissants de continuer de porter l’histoire de cette tragédie et d’en faire témoignage, alors que l’antisémitisme ressurgit partout dans le monde.

 

« Le fascisme ne se lève pas dans les pays développés comme la tempête en une nuit. Il est d’abord rampant, dissimulé, ordinaire. Il progresse par mille voies de la haine, avivée par les difficultés économiques. Il s’empare des cœurs avant de pervertir les esprits puis de prendre le pouvoir*. »

 

Soyons sur nos gardes. Le livre d’histoire nous y encourage. »

*Discours à Marseille devant la Ligue des droits de l’Homme, 18 mars 1984.

Discours d’Hervé Gaymard en hommage à Jean-Louis Debré –

Pendant cinq ans, Jean-Louis Debré a présidé votre jury avec enthousiasme et bonne humeur. Comment n’aurait-il pas été heureux parmi vous, lui qui partageait depuis toujours votre passion de l’Histoire et des livres, ceux que l’on lit et ceux que l’on écrit. Le XIXème et le XXème siècle étaient son monde- celui de sa culture politique, de ses idées, de ses idéaux et de ses rêves qui liaient indissolublement la Nation et la République.

Président de l’Assemblée nationale en 2002, cet homme d’action qui aimait tant s’impliquer personnellement dans la vie des institutions pour que jamais la routine ne s’installe, s’intéressa de très près à l’organisation de la Journée annuelle du Livre Politique et créa le prix des Députés.

Son ambition fut toujours d’ouvrir plus largement les institutions et de donner aux citoyens le goût des débats publics respectueux et des justes controverses politiques.

         Il aimait et savait si bien raconter l’histoire de France en accueillant lui-même un large public à l’Hôtel de Lassay, au Palais Bourbon ou plus tard, rue de Montpensier.  

A la fin de son mandat au Conseil constitutionnel en 2016, il fut heureux et honoré de succéder à Georgette Elgey à la présidence du Conseil supérieur des Archives.

         Ce juriste de formation et de métier fut d’abord un Républicain ardent, dont les convictions et les engagements, loin de tout scepticisme, se sont au contraire raffermis au fil des années et de l’exercice réussi de hautes responsabilités publiques. Devant les inquiétudes de notre temps, Jean-Louis Debré réaffirma, dans ses livres, ses interventions publiques et au théâtre, haut et fort sa fidélité exigeante à l’idéal républicain. Sa foi ne vacilla pas tant elle était enracinée dans une connaissance sensible de notre histoire nationale, celle de la vie politique mais aussi celle des mentalités comme en témoignent les nombreuses représentations avec Valérie Bochenek de « Ces femmes qui ont réveillé la France » dans les théâtres de tant de villes et de provinces françaises ces dernières années.

 

Pour Jean-Louis Debré, la République ne pouvait être garante de notre avenir commun que si et seulement si les Français connaissaient et aimaient leur histoire, sans récit national, pas de rêve partagé. Jean-Louis Debré parlait de la Conférence de Renan « Qu’est-ce qu’une Nation ? » comme d’un trésor que chaque génération devait transmettre à tous ses enfants sans exception.

Le lien vivant de Jean-Louis Debré avec l’Histoire prit aussi un chemin plus personnel quand, enfin, il eut le temps d’ouvrir les archives familiales. Ce voyage de Westhoffen à Montauban, en passant par les bords de la Loire et Paris l’émut profondément : pour sa famille comme pour tant d’autres, en dépit des failles et parfois des échecs, la République avait tenu ses promesses d’émancipation. 

 

Tout au long de sa vie, et tout particulièrement ces dernières années Jean-Louis Debré eut à cœur d’aller à la rencontre des Françaises et des Français, dans les librairies, les foires, les salles communales, les théâtres, les écoles pour les encourager à puiser la force et la volonté d’être utile à la République dans l’eau vive de notre histoire nationale, mais aussi dans l’histoire de leurs familles « ces patriotes simples et droits dont nous sommes tous issus » comme aimait à le dire Jacques Chirac. 

         Qui mieux que Jean-Louis Debré aurait pu écrire le « Dictionnaire amoureux de la République » ?

Discours de Cédric Lewandowski en hommage à Antoine Veil –

Antoine Veil repose, avec son épouse, Simone, depuis leur panthéonisation commune en juillet 2018.

Aurélien, son petit-fils, vient de publier un très beau livre, Il est toujours plus tard qu’on ne croit, pour rassembler les réflexions et les textes d’Antoine Veil sur la politique, la vie, le destin mais aussi le refus de la fatalité.

Antoine, « le mari de Madame* », comme il aimait lui-même se caricaturer, n’a pas seulement été l’époux de Simone Veil. Il fut un grand serviteur de l’État, membre des cabinets de Pierre-Henri Teitgen puis d’Alain Poher après la guerre, avant d’intégrer l’ENA et l’inspection des Finances.

Sa vie serait trop longue à résumer, mais il a alterné des fonctions politiques, ainsi au cabinet de Joseph Fontanet, sous le mandat présidentiel du général de Gaulle, puis comme conseiller de Paris, de 1971 à 1989, et des responsabilités privées, parmi lesquelles la direction des Armateurs français, de l’UTA et plus tard PDG d’Orlyval.

Antoine avait le goût de servir le bien commun mais aussi de transmettre.

Avec son épouse, ils ont toujours eu le souci d’encourager les jeunes générations et l’esprit critique, notamment au sein du club Vauban, un espace de réflexion qu’ils hébergeaient chez eux et qui fut, longtemps, un haut lieu de la vie politique française.

Antoine n’a pas vécu l’enfer de la déportation comme Simone, mais il a traversé Dachau, en uniforme, au printemps 1945, un mois après sa libération. Le silence, le non-dit, l’absence de révolte de toute une société pourtant à une encablure de ces camps de la mort le tortura toute sa vie durant. Il en parle avec beaucoup de justesse dans le livre qu’Aurélien nous offre.

Antoine était aussi un rêveur, qui a « vibré au récit des exploits de Guynemer et de Lindbergh, de Mermoz et de Saint-Exupéry** ». Il livre un portrait mordant de la politique, de ses grands fauves, de l’Europe, de la guerre et du pas technologique gigantesque franchi par notre civilisation ces dernières décennies. Son regard nous inspire et nous aide à mieux saisir ce siècle.

*C’est le titre d’un chapitre de son livre Salut, 2010.

**La mémoire longue, 1991, p.99.