Richard Malka

Le droit d’emmerder Dieu

Grasset

« Avocat, c’est un métier d’indigné », répète à l’envi Eric Dupont-Moretti. Son confrère Richard Malka le démontre dans les 93 pages d’une plaidoirie puissante prononcée lors du procès des attentats de Janvier 2015 au cours duquel il défend son client: Charlie Hebdo. Le journal satirique a été créé en 1992 sous la houlette de Philippe Val, Cabu, Wolinski, Gébé et Cavanna sous un nom de société tristement ironique: « société Kalashnikov »! C’est Richard Malka lui-même qui en avait rédigé les statuts…

L’avocat nous livre l’intégralité du texte qu’il avait prévu de prononcer lors du procès, le 4 décembre 2020.

Il ne s’agit pas d’une plaidoirie larmoyante, consacrée à la mémoire des victimes dont il était à l’évidence l’ami. Malka dépasse la tristesse et la révolte, se refuse aux phrases convenues des condoléances, transforme sa plaidoirie en un réquisitoire sans concession contre l’obscurantisme. « Le sens de ces crimes, c’est l’annihilation de l’Autre et de la différence », entame-t’il. Mais ce qu’il recherche, dans sa démonstration implacable, c’est la réponse à la question essentielle: comment en est-on arrivé là?

L’avocat reprend avec minutie la chronologie de l’affaire des caricatures. Il démonte l’engrenage invraisemblable d’une haine minutieusement instillée par des puissances étrangères décidées à éteindre Les Lumières comme la liberté de dire et de penser en Occident.

Il défend le droit à la critique, au pamphlet et à la caricature que tous les tribunaux français ont sans cesse confirmé. On peut rire de la politique comme de la religion, rappelle-t’il.

« Non, l’Islam ne peut pas être la seule religion de notre pays à exiger de ne pas être critiquée », remarque-t’il en soulignant  que ce serait alors « sortir l’Islam du pacte républicain ». Pour Richard Malka, la classe politique dans son ensemble, et la plupart des intellectuels se sont beaucoup fourvoyés. Il ne comprend pas les mots d’apaisement lancés ici et là, pour « amadouer » les tenants d’une approche totalitaire de la société. « Il n’y a pas de salut dans la lâcheté », lance-t’il en conclusion.

Renoncer à la liberté d’expression, c’est accepter le « crépuscule des Lumières » tandis que le combat consiste à espérer « qu’elles soient une nouvelle aube ».

Indigné, Malka l’est au point de nous faire adhérer à son point de vue qui se résume ainsi: un éloge de la vie libre et éclairée.

 

Philippe Langénieux-Villard