François Sureau, Le Chemin des morts, Gallimard

Le chemin des morts est une longue question. Une introspection de l'auteur aux résonances multiples.

François Sureau était magistrat trente ans plus tôt. Au Conseil d'Etat puis à la Cour nationale du droit d'asile, il a participé à des dizaines, des centaines peut-être, parmi des milliers de décisions prononcées chaque année.

Une décision en particulier justifie, trente ans plus tard, ce court récit : le rejet de la demande d'asile d'un ancien militant basque, en exil en France, appréhendant son assassinat s'il retournait en Espagne. Le rôle des juges est alors d'examiner si cette crainte est justifiée du point de vue du droit.

Cette affaire aurait pu être une décision administrative parmi d'autres. Le magistrat découvre plus tard, dans un journal, que l'ancien militant a été assassiné en Espagne, justifiant l'appréhension de l'ancien militant et le fondement de sa demande d'asile. Mais l'auteur aurait-il pu l'anticiper et orienter la décision autrement ?

Un récit qui a une résonance particulière aujourd'hui puisque l'histoire de François Sureau est aussi celle d'un réfugié.

Son introspection résonne aussi comme le témoignage d'un ancien haut fonctionnaire sur les ressorts de l'administration et de l'Etat de droit, des femmes et des hommes à travers leurs décisions individuelles. Elle est aussi la constatation du caractère dramatique du droit et un questionnement de la place - souvent décisive - de l'oral et du doute dans une société de la preuve et de l'écrit. Elle est une longue question, face à laquelle l’auteur apparaît, dans sa conscience et tout au long de son cheminement, avant et après, esseulé.

Le chemin des morts est la confession d'un homme qui, à travers l’exposition d'un drame particulier, nous délivre un récit contemporain, universel et, à plusieurs égards, intemporel.