“La populace ne peut faire que des émeutes. Pour faire une révolution il faut le peuple”. En exaltant ainsi le peuple et en dénonçant son double dangereux, cette citation attribuée à Victor Hugo nous rappelle que l’expression populaire n’incarne ni un guide ni la voix d’une absolue vérité. Une affirmation qui raisonne dans notre actualité, tandis que le “Grand Débat national” est engagé et le “référendum d’initiative populaire”, par certains, réclamé.
L’étymologie semble définir un rapport pourtant clair entre les deux notions, entre démocratie et peuple, et nous invite volontiers à entendre la démocratie comme “gouvernement du peuple” ou “gouvernement populaire”. Un régime dans lequel le peuple dirait toujours la Vérité, sans jamais se tromper.
Formellement, le peuple est toujours souverain. La loi vient nous le rappeler, par exemple dans un procès, “Le jugement est rendu au nom du peuple français.”
Si la démocratie était une finalité, nos démocraties occidentales modernes en seraient éloignées. Nous pouvons le constater au quotidien : les décisions sont prises par des élus, par des autorités administratives ou des magistrats, aux échelles locale, nationale, européenne et internationale. Les citoyens, le peuple, n’interviennent que ponctuellement dans la vie publique.
Cet écart constaté entre l’étymologie et la réalité est le fruit d’une construction multiséculaire de nos sociétés. La démocratie est non seulement un régime politique et un système de gouvernement particulier, qui peut prendre des formes différentes, monarchique ou républicaine par exemple, mais également une condition de constitution et d’existence du peuple et de pacification au sein de notre société. Une façon de créer un monde commun dans une société nécessairement caractérisée par la pluralité des opinions, des expertises et des idées.
Loin d’être un défaut de conception, notre démocratie représentative est certainement l’une des innovations politiques les plus intelligentes de nos sociétés occidentales, car capable de s’accorder à la diversité des situations et à l’évolution des circonstances.
Elle n’en demeure pas moins aujourd’hui discutée et contestée. Nos libertés politiques sont aujourd’hui interrogées, tout comme le sont les exigences de notre démocratie et les conditions de sa pérennité.