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vincent giret

Directeur de franceinfo

 

La raison emportée par le tsunami de l’info

Un tremblement de terre, suivi d’un tsunami. La métaphore de l’essayiste américain Martin Gurri est la plus saisissante pour prendre la mesure de la crise de l’information qui nous assaille et menace désormais nos démocraties. Pour celui qui fut longtemps expert à la CIA, l’avènement du numérique a eu l’effet d’un séisme, suivi d’une vague géante qui nous a littéralement submergé d’informations. Chacun d’entre nous, individus, communautés, entreprises ou institutions, est soudain devenu un média, provoquant des échanges tout azimut. Pour notre espace public, plus rien ne sera jamais comme avant. Dans la société numérique, l’information est devenue horizontale, atomisée, non-hiérarchisée, surabondante, saturée. Elle se développe sans limite dans un marché totalement dérégulé. Les plus optimistes ont cru que les vérités factuelles, le vrai et les arguments les plus rationnels, les plus robustes, sortiraient vainqueurs de cette hyper-concurrence. Il n’en a rien été : avec cette marée, se sont propagés le poison du relativisme et de l’inculture, des  manipulations à très grande échelle ainsi que les idées les plus mortifères. Des acquis de la connaissance, qui semblaient hier intangibles, ont pris l’eau de toutes parts : plus de la moitié des Français croient les vaccins aussi dangereux qu’efficaces ; plus d’un Américain sur deux doutent encore du réchauffement climatique. Nous sommes entrés dans l’ère du scepticisme et de la remise en cause de la possibilité même de vérité. Cette dérive se nourrit de l’idée absolument anti-démocratique, anti-scientifique, anti-journalistique qu’il n’y a pas de vérité établie. Tout serait relatif et la source émettrice d’une information vaudrait davantage que l’information.

Apprendre à vivre dans la société numérique constitue le grand défi de nos démocraties sous tension. N’attendons pas la régulation d’internet – devenue si complexe – pour développer notre vigilance, enseigner l’art du doute et fortifier notre esprit critique. Le destin de l’information dépasse le seul horizon des journalistes. Il engage chacun d’entre nous.