Les rançons de la « métropolisation »

 

Paris et le désert français, le livre sur lequel a été construit la logique gaullienne d’aménagement du territoire, est bien à reléguer dans les cartons, au vu du dernier classement Challenges-Arthur Loyd des métropoles les plus dynamiques, paru le 14 novembre. Le trio Lyon-Nantes-Toulouse galope quasiment aussi vite que Paris sur le plan de la croissance, la brochette Rennes-Nantes-Grenoble connaît moins le chômage que la capitale, seul Nice parmi nos quinze aires urbaines dispose d’une population étudiante inférieure en proportion à la parisienne, et si l’on y excepte également Nancy et Rouen, les douze autres métropoles de notre classement font mieux que Paris en terme de croissance démographique au cours des cinq dernières années observées ! Il faut dire que la capitale trône bonne dernière sur des indices aussi importants pour le bonheur de vivre que la qualité de l’air, la congestion des routes, sans parler évidemment de l’accessibilité au logement. Anne Hidalgo ne doit guère se réjouir que Paris ait crevé le plafond des 10 000 euros le mètre carré.

Ce constat a de quoi satisfaire les édiles des grandes métropoles. A ceci près que celles de plus de 500 000 habitants ont regroupé 84 % des créations nettes d’emplois dans le secteur privé en 2018, pour 63 % en 2017. Car cette accélération impressionnante a des effets négatifs. A Bordeaux par exemple, cité boostée par le TGV, la croissance démographique annuelle dépasse les 10 000 nouveaux arrivants, entraînant une forte augmentation des embouteillages et des prix de l’immobilier… Au-delà des effets néfastes pour les agglomérations elles-mêmes, les mises en garde se multiplient : « Les métropoles n’ont pas à devenir les châteaux forts du XXIe siècle, a prévenu Yann Lasnier, rapporteur du Conseil économique, social et environnemental, qui s’est saisi du sujet. Elles peuvent être des phares si tant est que la lumière profite au plus grand nombre et qu’elle porte loin. » Le mouvement des « gilets jaunes » est bien passé par là.

 

Vincent Beaufils
Directeur de la rédaction de Challenges