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valérie rabault

Députée (SOC) de la 1ère Circonscription Tarn-et-Garonne, Présidente du groupe Socialistes & apparentés

 

Retrouver le goût du progrès, par la raison

Pour les amoureux de la raison, les temps sont difficiles : difficiles, parce que la vérité de l’instant semble s’imposer ; difficiles aussi parce que semble s’opérer un renoncement général à admettre l’effort d’appréciation que nécessite la complexité de certaines situations. En somme, les deux ennemis actuels de la raison sont l’instantanéité et la paresse intellectuelle, qui sont d'ailleurs liées.

En abreuvant leurs auditeurs et leurs abonnés de contenu à longueur de journée, les chaînes d’information en continu et les réseaux sociaux permettent un accès inédit et vertigineux à l’information. Mais lorsque cet accès à l’information n’est pas maîtrisé, c’est à dire lorsqu’il n’est pas refaçonné et remodelé par sa propre réflexion, il peut donner l’illusion du savoir : chacun se croit dès lors armé pour pouvoir commenter avec aplomb des sujets dans tous les domaines, aussi bien médicaux qu’économiques, tout en passant à autre chose le lendemain.

Ainsi, s’installe progressivement l’illusion qu’on peut désormais savoir sans avoir à se poser de questions et sans avoir à fournir l’effort du raisonnement. Or le vrai savoir comme la vraie raison sont indissociables du raisonnement, qui par construction nécessite à la fois de prendre le temps et de déployer un effort intellectuel. Renoncer à consacrer du temps pour la réflexion et à l’effort que cela exige, renoncer à s’émanciper de cette frénésie de la simplification qui, comme l’a théorisé Edgard Morin, n’est que « dénaturation du réel par mutilation, réduction et disjonction », conduit à tourner le dos à la raison. Si tout ne saurait être raison, il est néanmoins dangereux de voir la raison reculer. L’avertissement de Blaise Pascal est bien d’actualité quant aux deux excès de la raison : « exclure la raison, n’admettre que la raison ». Aujourd’hui, nous souffrons du premier excès qui conduit à exclure la raison.

Parce que la politique a pour ambition d’œuvrer à la construction d’une société, elle doit être celle qui permet de dépasser les deux excès de la raison soulevés par Pascal. Construire une société nécessite d’accepter l’idée que tout n’est pas raison, mais exige aussi d’avoir une architecture solide, qui n’est autre que l’adhésion de chacune et de chacun à une forme de destin commun. Au cours des dernières années, ce destin commun s’est articulé autour de l’objectif de progrès. Quelle que soit sa nature - scientifique, médical, ou encore social - le progrès découle de la raison.

Je souhaite pour ma part que le mot « progrès », quelque peu oublié, puisse retrouver sa place dans les programmes et les discours politiques. Cela nécessite un retour à la raison.