Thomas Nlend

Les bouffons de la haine

Grasset

En refermant « les bouffons de la haine », le lecteur ne peut échapper à deux interrogations: L’auteur de ces pages invraisemblables est-il courageux ou insouciant? Ce livre est-il un roman ou un récit?

Car la plongée de Mathias Cardet (alias Thomas Nlend) dans l’univers de l’extrême droite française qu’il infiltre pendant trois années est à proprement dire effrayante.

Ce témoignage sans concession est servi par une plume directe et des dialogues particulièrement réalistes. Thomas Nlend sait faire partager ses angoisses et ses surprises, offrant au lecteur des moments de grande hilarité face à la folie absolue des personnages qu’il rencontre et des situations qu’il doit affronter.

Ce que découvre en effet le petit voyou de Créteil avec le succès de son livre « L’effroyable imposture du rap » grâce auquel il se fait connaitre d’Alain Soral, de Dieudonné et de quelques autres illuminés de la fachosphère, dépasse l’imaginable: Le plus sérieusement du monde, des militants affirment qu’Hitler s’est réfugié au pôle sud, que le génocide arménien a été commis par les juifs ainsi d’ailleurs que le génocide indien, qu’Hitler a été payé par les Rothschild  pour faire la Shoah, qu’Alexandre et Jules César sont en réalité la même personne et quelques autres énormités du même tonneau, « que tout le monde sait »!

Sont décrites les soirées hystériques, vulgaires, scandaleuses, de ces mythomanes d’une mouvance appelée « Egalité et Réconciliation », qui veulent se transformer en parti politique. S’affirment les défenseurs d’un « Front de la foi » destiné à affronter « l’esprit juif qui domine et avilit notre époque »

L’auteur, écœuré des comportements avilissants, des idées antisémites, des provocations ahurissantes de ces apprentis sorciers qui vivent grassement sur le dos de minables qu’ils méprisent, entreprend de combattre de l’intérieur des « vendeurs de haine qui ne font pas la distinction entre la liberté d’expression et l’incitation à la violence ».

Il décrit Alain Soral dans sa vérité d’illuminé prétentieux et trouillard, de pervers et « d’Hitler en carton », ébloui par une notoriété soudaine qui le place en compétition provisoire avec Dieudonné, le négationniste Robert Faurisson et Jean-Marie Le Pen ainsi que bien d’autres noms qui sont aussi associés à cette impossible aventure.

Aidé de quelques complice Mathias Cardet parvient à ébranler le projet de parti politique naissant autour des évènements parisiens qui se déroulent sous le nom de « Jours de colères » et exprime clairement ses convictions républicaines, aux antipodes des idées défendues par cette fachosphère. Désormais, ce groupuscule extrême va harceler et menacer celui qu’il traite « d’indic », et grâce auquel le grand public peut mieux appréhender les véritables intentions de mouvances obscures, brutales et vulgaires.

Philippe Langenieux-Villard