Sylvie Caster

13 Novembre, chronique d’un procès

Les Echappés

 Sylvie Caster a assisté à l’intégralité du procès des attentats du 13 novembre 2015 en qualité de journaliste. Elle s’y est rendue tous les jours, en a chroniqué les audiences pour Charlie Hebdo. Elle livre donc ici le témoignage éprouvant et complet d’un procès hors normes, qui s’est déroulé au palais de justice de Paris transformé « en un aéroport placé sous vigilance rouge ». Elle détaille les différentes étapes de la procédure, démontre le sérieux et l’extraordinaire travail de la justice, le déploiement de moyens d’une instruction qui a duré six ans, d’enquêtes policières et psychiatriques, de témoins dévastés, de spécialistes experts, venus aider la cour à prononcer son verdict. Elle livre le portrait d’un président du tribunal extraordinairement solide, patient, déterminé, efficace, qui s’emploie à donner à chaque partie en présence son temps et son droit d’expression.

Sous sa plume, surgissent les visages, les errements et les sincérités des accusés, tantôt soucieux de dire leur vérité, tantôt retranchés dans le silence par lâcheté, mépris ou peur (de ceux qui sont dans le box, ceux qui sont dehors ou du regard des victimes?). Mais surtout, apparaissent les survivants et leur mémoire, les policiers et leur courage, les scènes de carnage retranscrites par des compte-rendus terrifiants.

Dans ce flot de malheur, l’anecdote du témoignage de François Hollande fera sourire, lorsqu’il déclare: « Je prends la décision qu’aucune panique ne se produise ».

C’est là en effet un pouvoir bien illusoire…

Sylvie Caster souligne aussi l’aspect théâtral d’une justice  qui doit accepter les témoignages anonymes ou masqués de policiers (pour des raisons de sécurité), les suspensions de séance provoquées par l’absence d’un accusé, les vidéos d’actes de barbarie insupportables expurgées du pire (« on parle de scènes de guerre sans jamais les montrer »), les effets de manche d’avocats cherchant à défendre au mieux la cause de ceux qui ici, s’estiment « innocents » (« je n’ai blessé ni tué personne » répète Salah Abdelslam). Donnant, elle aussi la parole en dernier à la défense, Sylvie Caster relate les derniers mots de la plaidoirie de maitre Ronen, avocat d’Abdelslam: « La justice n’est pas un mouvement de foule. Il n’y a pas d’honneur à condamner un vaincu au désespoir ».

Une envolée terrible, plaçant la justice dans le camp du déshonneur quand ce procès démontre au contraire la force exceptionnelle et l’extrême exemple d’une démocratie jugeant les bourreaux de ses concitoyens après avoir tenté de les écouter et de les comprendre.

Un livre implacable et nécessaire.