Face à une guerre sainte

sylviane agacinski

Editions du seuil

Avec ces pages très accessibles, Sylviane Agacinski permet à tout néophyte perdu dans l’actualité du débat sur la place de l’Islam en France, de trouver des repères clairs, des définitions justes et une vision éclairée du conflit ancestral qui oppose le religieux au politique.

Cette guerre, rappelle-t-elle, menace en premier lieu les populations musulmanes, divisées depuis des siècles entre chiites et sunnites, une rivalité d’autant plus profonde qu’elle oppose des croyants à un même Dieu: depuis 2013, le djihad est à l’origine de 63% des morts du terrorisme, parmi lesquels 91% sont musulmans.

La philosophe rappelle l’histoire de ces luttes jusqu’à nos jours, le prestige du chiisme lors de la révolution iranienne de 1979, avec ses répercussions au Liban et en Palestine, la puissance des salafistes sunnites d’Arabie Saoudite et les moyens mis en oeuvre hors son territoire pour imposer sa vision de l’Islam.

Cette guerre est juste aux yeux de ceux qui la mènent et si l’opinion occidentale peine à en comprendre les ressorts, c’est parce qu’elle n’en mesure pas l’importance dans les régions du monde où elle est livrée.

C’est lorsque la France est touchée que se construisent dans notre pays des thèses et des opinions dont il faut vérifier la teneur pour échapper à l’islamophobie tout en préservant les règles de droit et de vie de notre propre société.

Le terrorisme en France a conduit naturellement à des procès, dialogues de sourds entre des combattants du djihad ne reconnaissant pas les loi d’une république démocratique et laïque, et une république n’admettant pas une guerre sainte et sa violence terrifiante.

De même, le sujet du voile oppose définitivement deux visions du monde. « Il n’est pas diabolisé, mais diabolique au sens étymologique: il divise et sépare ». Sylviane Agacinski rappelle qu’ « aucune religion n’a inventé la hiérarchie des sexes, mais toutes les religions l’ont légitimée ». Le voile a été un temps une coutume païenne et le Coran ne dit presque rien du voile. Porter le voile ou l’imposer aux autres est devenu, non pas un sujet de liberté individuelle, mais une stratégie coordonnée par des groupes utilisant les écoles publiques comme leur principal champ de bataille. Or, dans notre société, une inégalité de droit entre hommes et femmes est insupportable.

« Chaque fois que les hommes ont voulu faire descendre la justice divine sur terre, Ils ont crée des empires théologico-politiques », observe la philosophe qui conclut: « la leçon de l’histoire, c’est qu’on ne fabrique pas des amis et des frères les armes à la main en prétendant donner des lois à l’univers entier ».

Philippe Langenieux-Villard