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Sorj Chalandon

Enfant de salaud

Grasset

 « Enfant de Salaud » c’est une histoire d’après-guerre. Une histoire de famille sur fond de procès Barbie. Deux histoires de guerre entremêlées. Celle du chef de la Gestapo de Lyon, et celle d’un père, qui n’était pas du bon côté. 

Pour Barbie, l’un des procès les plus retentissant du siècle précédent, qui lui vaudra la perpétuité. Pour le père, une peine déjà purgée d'1 an de prison et 5 ans d’indignité nationale. La peine de Barbie est sans appel, ses crimes connus et relatés durant son procès. La peine du père, est assez floue. 1 an et demi, ce n’est pas grand-chose. Mais être condamné en 1945 veut toujours dire quelque chose. 

Le roman est à la frontière de l’autobiographie tant il est documenté, proche des faits. 

Il y a d’abord une déclaration du grand-père, de Sorj Chalandon, qui, traite le gamin qu’il est alors « d’enfant de salaud ». Des mots qui marquent, et aboutiront à une enquête bien plus tard, entrecroisée avec le récit de sa chronique judiciaire du procès Barbie, qui lui avait déjà valu en 1988 l’obtention du Prix Albert Londres.

 Chroniqueur judiciaire avant d’être écrivain, il endosse ici les deux rôles pour nous raconter ce père, qui a toujours romancé sa propre vie. Dans l’affabulation, la quête de la vérité. Une vérité appréhendée. Aussi nauséabond que cela puisse paraitre, on préfère un menteur qui se rêve de la Waffen-SS, qu’un Waffen-SS devenu père. 

Le décor est planté à Izieux, où le 6 avril 1944, 44 enfants juifs cachés furent raflés, et envoyés dans un convoi de la mort. Cet ordre figure parmi les nombreux chefs d’accusation imputés à Barbie. 

Le journaliste y décrit comment 34 ans après les faits, de rares traces de vie persistent, témoignant de l’existence de ceux qui n’ont pas eu le temps de la vivre. Le dessin d’une pomme oublié dans un pupitre d’écolier. Des mots gravés sur une poutre. L’insouciance avant l’indicible. Ils n’en reviendront pas. 

Le procès enfin, avec un Vergès dans le rôle de la défense qui frôle le ridicule. Comment innocenter le diable? 

Son seul suppôt, ce père, qui se grime en ancien combattant auréolé d’une croix de Lorraine pour assister au procès, et qui ne cache pas sa lassitude, quand l’insoutenable vérité sort de la bouche des survivants déportés. 

Ce roman quasi-autobiographique nous permet de découvrir ce père, retraité ordinaire, chevalier d’Éon durant la guerre.