682 Jours

Roselyne Bachelot

éditions PLON

C’est par son ton, sa manière brute de raconter son expérience ministérielle, que Roselyne Bachelot initie dans ces lignes une forme nouvelle dans l’art difficile de publier des « Mémoires ». Le lecteur n’échappe évidemment pas à la présentation d’un bilan, heureux d’ailleurs, tant la complexité de la charge de ministre de la culture échappe facilement au commun, tant aussi, l’actualité se charge-t’elle de balayer trop vite les difficultés surmontées par les responsables politiques.

Roselyne Bachelot dévoile avec la méticulosité d’un témoin prenant régulièrement des notes sur ses journées, les temps forts de son expérience publique. Elle avoue comme des évidences ses affections, mais n’omet pas de régler leurs comptes avec humour, franchise et parfois tendresse, lorsque la mauvaise foi, l’insulte ou l’hypocrisie ont contesté ses efforts.

« Le bal des hypocrites », promesse alléchante d’un bandeau non détachable du livre, ne dénonce pas vraiment le monde politique ( où néanmoins, écrit-elle, «  la confraternité est une haine vigilante »), mais plutôt la relation malsaine qui s’établit entre le pouvoir et les corporatismes. S’agissant par exemple des relations avec la CGT-spectacle, elle regrette d’avoir souvent « eu le sentiment s’assister à des assemblées générales de copropriétaires » tant les revendications relevaient de l’égoïsme bête. Ou encore, elle se souvient de « ceux qui vous soutiennent en chuchotant et vous défoncent sur les estrades »: Benjamin Biolay pouvait-il sérieusement l’invectiver en affirmant qu’elle l’avait « mis au pain sec »? Pas lui, soupire-t’elle tout en prenant la défense acharnée du monde du spectacle et de la culture dont elle souligne les difficultés: « des guides payés au pourboire, des magiciens et des chanteurs rémunérés au chapeau ou d’un repas… ».

De même, elle s’étonne de l’ingratitude des élus locaux, qui, obtenant l’aide de l’Etat, à peine l’argent en poche, dénoncent avec véhémence son inefficacité. « Non, Emmanuel Macron n’est pas hanté par la haine de la province quoiqu’en dise Laurent Wauquiez », s’insurge-t-elle. Et si elle admet que Paris coûte cher et y voit l’une des conséquences des goûts de grandeur du socialisme façon Jack lang, Roselyne Bachelot égraine tous ses efforts entrepris en faveur des villes moyennes, son soutien aux festivals, aux intermittents, aux salles et aux musées, notamment pendant la terrible période du Covid.

Meilleure ministre que ses prédécesseurs? Roselyne Bachelot n’y prétend pas, consacrant plusieurs pages à rappeler les belles, utiles et irréversibles décisions prises depuis la troisième république et sans discontinuer, en faveur de la culture.

Mais elle défend la permanente nécessité de poursuivre l’action, de protéger des professions, des bâtiments, des idées, des libertés, des talents que d’autres préoccupations, d’autres urgences, pourraient si facilement mettre à mal. Elle raconte avec pudeur et émotion la restitution d’oeuvres volées par les nazis, son combat pour la redevance à payer sur les smartphones de deuxième main, sa mobilisation pour sauver l’Opéra de la Bastille d’une faillite programmée, sa lutte pour mettre fin à la détresse du monde du spectacle broyé par les règles imposées lors de la pandémie.

On referme ce livre en ayant le sentiment de mieux connaitre une amie qui vient de vous raconter une histoire faite de passion et de surprises, d’enthousiasme et d’expérience, d’anecdotes et de confidences. Rappelant sa fidélité à Jacques Chirac, sa sympathie distanciée pour François Hollande « qui ne se prend pas pour César », ses amitiés pour d’anciens élus de droite, perdus dans leurs sigles, « RPR,UMP,LR.: Le bateau prenait l’eau et on repeignait la coque », sa loyauté à l’égard d’Emmanuel Macron et de son gouvernement, sa distance avec « les gens de gôche lorsqu’ils méprisent le peuple qui pour eux, à un goût de merde », Roselyne Bachelot, avec son franc-parler, nous séduit par sa générosité, sa simplicité mais aussi, sa formidable combattivité.

Philippe Langenieux-Villard