Comment écrire, debout devant l’abime ? Riss, rescapé de la tuerie de Charlie hebdo nous offre un récit bouleversant qui commence lorsque la vie s’arrête. Le 7 janvier les frères Kouachi font irruption dans la salle de rédaction de l’hebdomadaire satirique et tirent à vue sur les journalistes présents. Une minute et quarante-neuf secondes : le temps de mourir pour Cabu, Tignous, Wolinski, Charb, Honoré, Bernard Maris, Elsa Cayat…

Le temps de ne pas mourir pour Riss qui sera gravement blessé et transporté à l’hôpital.

Ne pas mourir et porter sur ses épaules en miettes la mort des autres.

Ne pas mourir, vivre sous protection policière jour et nuit  et reprendre la rédaction en chef de Charlie, quoi qu’il en coûte.

Parce qu’il faut bien avancer, parce que ne pas mourir vous donne des obligations.

Le récit de Riss n’est pas une plainte. La mort plane, elle est devenue un personnage du récit, elle envahit tout, donne un gout à tout mais elle n’empêche pas le courage. Le combat de Riss est tout entier dans ce livre.  « Sans l’aide d’aucun médecin, il faut réapprendre à penser politiquement, à exister politiquement, à combattre politiquement. Sinon, blessés et victimes demeureront pour toujours cloués en place publique sur la croix des martyrs. » A l’heure où notre pays est en train de remettre dangereusement en question la liberté d’expression, on l’on réinvente le délit de blasphème en criminalisant la critique de la religion au nom de l’ « islamophobie », il faut lire Riss, et ne pas oublier notre héritage : celui de Voltaire, des Lumières, de la déclaration des Droits de l’homme. Celui de l’ironie et de l’irrévérence.

Valérie Toranian,

Directrice, La Revue des Deux Mondes