“L’Assiégé”

Renaud Dély


Le regard de
philippe langenieux-villarD

Il n’y a aucune forme d’empathie entre Renaud Dély, l’auteur de « L’assiégé », et Dominique Venner cet étrange « penseur » de l’extrême droite française aux méthodes musclées, aux comportements rigides et aux obsessions identitaires clairement revendiquées.

L’itinéraire personnel et politique de ce gourou qui a consacré sa vie à la défense de notre civilisation européenne par les moyens les plus obscurs de la haine, de la brutalité et de l’illusion, s’achève, dès le premier chapitre, par son suicide devant l’autel de Notre-Dame-de-Paris en 2013. Un geste ultime décidé avec l’espoir  de susciter un scandale susceptible de réveiller le peuple de France sur les périls imminents de notre identité.

La vérité oblige à admettre que malgré cette macabre mise en scène, le nom de Dominique Venner n’est devenu le symbole d’aucune cause, à l’exception possible de quelques extrémistes de la droite dure.

C’est donc tout l’intérêt de cet ouvrage aux pages glaçantes, de nous faire parcourir la vie « d’assiégé » conduite par un homme qu’aucun échec, militaire, politique ou personnel, n’a détourné de ses convictions. 

Constatant les revers électoraux des candidats d’extrême droite à l’époque du général de Gaulle (coupable d’avoir abandonné l’Algérie française), Dominique Venner est convaincu qu’il faut, pour réussir dans les urnes, armer intellectuellement les militants d’une doctrine qu’il développe dans différents textes où se mêlent les considérations de Lénine (sur les méthodes de la conquête du pouvoir) et celles de René Billet (ancien membre du PPF de Jacques Doriot) sur le « grand remplacement ». Il crée des partis, des revues, des instituts, multiplie les conférences, les réunions secrètes, les rassemblements, et ne s’avoue jamais vaincu malgré la stagnation des effectifs et la médiocrité des résultats électoraux ou politiques de ses efforts.

Las de mener un combat aux succès limités, Venner devient un écrivain de la chasse et des armes, obtenant, dans ces domaines, quelques succès d’estime sur le plan littéraire. Il est même l’auteur du « Dictionnaire amoureux de la chasse » chez Plon. Il devient le complice de François de Grossouvre alors amer de sa relation perdue avec François Mitterrand, découvre les calculs du président de la République qui voit dans l’ascension du Front National une garantie de division de la droite et donc des succès électoraux possibles de la gauche.

Retranché dans sa demeure qu’il a baptisée « Le Rembucher » (terme de chasse qui évoque la traque de l’animal jusque dans les bois), Dominique Venner nostalgique d’ambitions inassouvies, prépare une mort dont le caractère spectaculaire ne sera salué que par une poignée de fidèles qui, comme lui, ont cherché à répandre la peur migratoire et assuré être le seul rempart contre cette menace.

« L’assiégé », Renaud Dély, Éditions JC Lattès