Anatomie d’une trahison

 Renaud Dély

L’Observatoire

« Il y a bien longtemps que la gauche française ne pense plus ». Tel est l’amer constat que pose Renaud Dély: « la gauche a tourné le dos au progrès parce qu’elle a peur de l’avenir », elle s’est divisée, renfermée, sclérosée, oubliant l’optimisme des premiers socialistes et notamment celui de Pierre Leroux qui espérait trois progrès: scientifique, démocratique et individuel.

Avec une plume très ciselée, précise - mais non arrogante -, subtile et instruite de l’histoire de la gauche, Renaud Dély revient sur l’affaire Dreyfus, les combats de Jaurès, la brève euphorie du gouvernement Blum, la combattivité de François Mitterrand, pour constater que depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron à l’Elysée, la gauche est devenue « méchante, aigrie, avec la volonté de combattre et de détruire. Elle a perdu ce qu’elle avait de plus beau: l’espérance ».

Déjà, pointait avec François Hollande un antisarkozisme tenant lieu de programme. Et depuis…

L’essayiste multiplie les exemples de décisions et de propos qui dévoilent les contresens dans lesquels se sont engouffrés les socialistes, confondant charité et justice, démocratie participative et stratégie d’éviction des talents de la gauche (les primaires populaires en 2022). Il s’interroge sur les slogans:

« Faire payer les riches » est-il un but en soi? La mise en œuvre de ce précepte ne doit-elle pas être pensée d’abord comme étant utile aux pauvres?

Faut-il vraiment s’offusquer qu’un candidat de gauche exprime son attachement aux bonnes choses de la table, la viande et le vin français?

La gauche gagne-t-elle en crédibilité lorsqu’elle répugne à chanter la Marseillaise, hymne révolutionnaire et mondialement reconnu?

En outre, le communautarisme, le wokisme, l’islamisme, sont autant de causes dans lesquelles la gauche s’est doucement perdue… Elle s’est trahie.

Plus de frontières, la gauche? Plus de racines? Déboussolée?

Ce que lui reproche au fond Renaud Dély, c’est de ne plus s’aimer elle-même. Et, dès lors, comment pourrait-elle plaire et attirer?

Le réquisitoire de l’essayiste n’est pas néanmoins destiné à la condamnation de la gauche, car il espère au contraire provoquer son réveil. Ah, si elle pouvait renouer avec les jours heureux…

Car la gauche existe tout de même, conclut Renaud Dély. Il faudrait juste qu’elle réapprenne à « changer la vie ».  Et non pas en prônant des valeurs, mais en s’intéressant au réel, en retrouvant le sens du peuple.

Un ouvrage passionnant, sincère, construit, qui doit être lu par tous ceux qui veulent, non pas seulement croire en la gauche, mais aussi croire en la politique.

Philippe Langenieux-Villard