“Nos meilleurs années : la jeunesse, les amis, la politique”

Pierre moscovici

Le regard de
philippe langenieux-villard

Dans ces pages très personnelles, Pierre Moscovici relate une ascension politique qu’il n’avait pas imaginée sans toutefois nier l’ambition qui l’a rendue possible et dévoile quelques coulisses de la vie politique. Assumant les amitiés et la compétition sans lesquelles l’accès au pouvoir est impossible, il ne ménage pas ceux qui l’ont déçu. Il dresse quelques portraits très justes des hommes politiques de son temps.

« Pompidou avait le goût du bonheur tandis que Mitterrand avait le goût du plaisir »

L’évolution personnelle de Dominique Strauss-Kahn, les fourberies de Jérôme Cahuzac, la personnalité de Laurent Fabius ou encore les stratégies de Martine Aubry sont racontées sans fard et avec une grande sincérité. Il définit François Hollande comme « un homme très agréable mais d’une grande dureté même si celle-ci n’est jamais exempte de courtoisie ». Le lecteur comprendra qu’en politique, au-delà même des idées, les liens personnels sont un ciment ou un acide.

Socialiste convaincu que le combat politique central est la lutte contre les inégalités, il reconnait être aussi un homme d’ordre, affirmant que « celui qui n’a pas lu Clemenceau n’est pas assez républicain et celui qui n’a pas lu Jaurès n’est pas assez socialiste ». Fier de son bilan à la tête de Bercy, Pierre Moscovici explique également son ancrage d’abord artificiel puis indéfectible au département du Doubs dont il fut le député.

Défenseur d’une Europe dans laquelle il a exercé des responsabilités éminentes, il estime que la France « rêve sans le dire d’avoir une dette à l’Italienne avec des taux à l’allemande ». Il défend la nécessaire solidité du couple franco-allemand et plaide pour l’intégration de la Turquie dans l’Europe sous une forme à définir qui pourrait ne pas être l’adhésion.

Les pages les plus inspirées de cette biographie très originale, sont celles que Pierre Moscovici consacre à ses parents ; à son père surtout, devenu l’un des intellectuels les plus influents et les plus prestigieux de France, chassé de Roumanie par les Nazis, dont « les nerfs de la vie ont été débranchés » par les pogroms.

Un témoignage d’autant plus important lorsque l’on sait que le nombre d’actes antisémites a été multiplié par quatre en France en 2023. Or, comme l’a rappelé Emmanuel Macron le 7 février 2024, lors de l’hommage aux 42 citoyens français et franco-israéliens victimes de l’attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre, il ne faut « rien céder à un antisémitisme rampant » et « désinhibé ».

Nos meilleures années. La jeunesse, les amis, la politique, Éditions Gallimard