Michelle Perrot, Eduardo Castillo

Le temps des féminismes

Editions Grasset

Historienne réputée, Michelle Perrot nous propose une lecture intime mais aussi documentée et théorique, des progrès et des combats livrés par les femmes en un peu plus d’un siècle, pour parvenir au statut qu’elles ont désormais acquis.

Constatant qu’à quelques exceptions près, l’histoire avait été silencieuse avec les femmes alors que dans les grottes préhistoriques « on a trouvé autant voire plus de mains de femmes que d’hommes », Michelle Perrot dresse les portraits de plusieurs femmes qui ont ouvert des voies de reconnaissance, par exemple dans l’art, le journalisme et la littérature.

« Puisqu’elles montent à l’échafaud, elles ont aussi le droit de monter à la tribune », affirmait Olympe de Gouges: l’espace public des femmes ne pouvait donc pas indéfiniment rester celui du bavardage autour des lavoirs…Leur cerveau leur permettait, elles aussi, d’appréhender la pensée philosophique, l’abstraction et les mathématiques… Encore a t-il fallu se battre contre la religion, qui longtemps, a exercé une forme de domination sur elles. On s’amuse aussi à apprendre qu’en 1870 apparait le mot « féminisme », mot à vocation médicale employé par Alexandre Dumas pour qualifier « la maladie des hommes efféminés » !

L’étude des différents combats menés est présentée de manière vivante et juste, analysant y compris le rôle des mots, de la grammaire, des étymologies, comme autant de freins à la reconnaissance du droit des femmes à travailler, à gouverner, ou encore à être indépendantes.

En 1936, lorsque Léon Blum nomme trois femmes ministres, le droit de vote n’est pas encore accordé aux femmes.

En 1956, Jacques Derogy fut exclu du Parti Communiste pour avoir écrit « des enfants malgré nous », un texte racontant le drame des naissances non désirées.

Les écoles primaires sont devenues mixtes en 1960.

Jusqu’en 1975, le mari avait le droit de tuer l’amant de sa femme, mais la réciproque n’était pas vraie.

Il faut attendre 1980 pour que le viol, jusque-là jugé en correctionnelle, soit désormais passible des assises.

Le droit de vote, le droit au chéquier et à l’indépendance financière des femmes, sont des conquêtes qui n’ont que deux générations d’existence. Et ce qui surprend, c’est que cet ensemble de progrès ait été très largement conquis sans structures partisanes, syndicales ou politiques durables.

Ces victoires féminines constituent-elles une menace pour les hommes?  L’historienne estime qu’en tout état de cause, les conquêtes doivent être défendues avec vigilance. Parmi ses arguments les plus puissants, les exemples d’autocraties à travers le monde, capables de revenir sur des acquis et d’imposer aux femmes une nouvelle servilité.

Ce livre, très facile d’accès, extrêmement riche en figures, en exemples et en références, n’est pas un simple plaidoyer féministe. Il raconte une histoire dont le titre lui-même est pluriel: les féminismes puisqu’il revient à chacune et à chacun de nous d’en saisir la portée.

Philippe Langenieux-Villard