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Gilles Boyer

Le Maitre d’Hotel de Matignon
JC Lattès


Non, Matignon ce n’est pas vraiment l’Enfer !

 

« Ici, on sait quand on arrive, mais on ne sait jamais quand on part ». Claude, lui, a passé plus de trente ans à travailler à Matignon en tant que maître d’hôtel croisant ainsi la route de treize Premiers ministres, de Michel Rocard à Édouard Philippe.

Dans Le maître d’hôtel de Matignon, Gilles Boyer, via son personnage de Claude, nous ouvre les portes de cet hôtel particulier et laisse entrevoir le quotidien des hommes de l’ombre : les conseillers, directeurs de cabinet, cuisiniers, jardiniers et autres intendants qui font vivre Matignon. Loin de l’histoire officielle et institutionnelle, ce roman dépeint Matignon avant tout comme une maison pleine d’effervescence et d’individus aux trajectoires de vie singulières. À l’heure où les hommes d’État sont régulièrement pointés pour leur prétendu décalage avec la réalité, Gilles Boyer offre un portrait plus intime, plus humain de ces différents chefs du gouvernement au fil d’anecdotes croustillantes dont la véracité demeure, in fine, secondaire.

C’est que Gilles Boyer connait bien Matignon : il a été le conseiller politique d’Édouard Philippe pendant près de deux ans avant de devenir député européen au printemps 2019. Des mois durant, il y a observé la vie quotidienne, interrogé Claude pour se glisser au mieux dans la peau du maître d’hôtel. Ancien marin originaire de Franche-Comté, Claude se retrouve un peu par hasard, en avril 1990, à bord d’un tout autre bateau dont le Premier ministre, surnommé le Pacha, est le commandant. Son regard aussi naïf que lucide sur ce grand ministère où se gouverne la France et les hommes qui l’incarnent  est touchant et bien loin des considérations générales. « C’est troublant, de les côtoyer, tous, et de constater qu’ils sont si différents de leur image publique, de la caricature qui en est faite ». Ses retrouvailles en 2017 avec Thomas, fils d’un ancien conseiller de Rocard devenu lui-même le bras droit d’Édouard Philippe témoignent des relations de proximité au sein de Matignon. L’un est énarque, l’autre est maître d’hôtel autodidacte, et pourtant le premier a tellement à apprendre du second. Car s’il y a bien une chose que souligne ce roman, c’est l’âpreté de la fonction de Premier ministre et la pression qui pèse sur ses proches collaborateurs. « Arriver à Matignon, c’est comme se marier en sachant déjà que ça va mal finir. Je n’ai vu aucun Pacha en sortir plus fort qu’il n’y était entré, ce qui donne tout de même à réfléchir ».

Le maître d’hôtel de Matignon est définitivement un ouvrage plaisant qui aborde sous un nouvel angle, de l’intérieur, ce lieu de pouvoir si souvent décrit comme l’enfer. Sa lecture est d’autant plus agréable qu’une fois le livre refermé, on a l’impression d’avoir discuté des heures durant avec Claude qui a tellement à raconter sur Matignon : on aurait envie que son récit continue encore et encore.

Adèle Volard