Les déchets nucléaires

Jean-Paul Bouttes

Fondation pour l’Innovation Politique (Fondapol)

Un travail d’une rare qualité pour aborder un sujet particulièrement sensible : le risque (ou non) que fait courir aux populations actuelles et futures le stockage des déchets nucléaires civils.

L’auteur avance en scientifique, posant et résolvant successivement les questions les plus habituelles, mais aussi les plus inattendues, au sujet des déchets nucléaires. Ce remarquable travail est complété d’un glossaire tout à fait utile compte tenu de la multitude des mots et des acronymes que la science produit inévitablement pour aborder la complexité des sujets qu’elle traite.

L’auteur aborde successivement quatre sujets: la durée de vie des déchets, les solutions existantes pour maitriser les risques de leur stockage, l’enjeu que représente le nucléaire civil pour les générations futures et enfin, le rôle d’un État démocratique pour assumer la responsabilité des décisions relatives au nucléaire civil.

La première surprise du lecteur résulte d’un constat : le nucléaire civil émet une faible quantité de déchets en masse et en volume, par ailleurs tous traçables et donc suivis.

Ainsi, la France produit-elle 1 à 2 kilos/an/habitant de déchets radioactifs, et 10 grammes/an/habitant de déchets de longue durée. Des chiffres à comparer avec les déchets industriels toxiques dont le volume est cent fois supérieur.

La seconde surprise tient dans la découverte des infinies précautions prises depuis longtemps en matière de stockage pour empêcher la radioactivité d’arriver jusqu’à l’être humain, et l’effort réalisé pour diminuer sans cesse les quantités radioactives émises.

Plan national de gestion, inventaire national des matières et déchets radioactifs, lois successives depuis 1991 pour encadrer et garantir une sécurité maximale. L’auteur dresse un panorama mondial des solutions de stockage choisies selon des pays, lesquelles tiennent compte de la réalité géologique et des compétences technologiques de chaque nation.

La troisième surprise, tout à fait passionnante, concerne les travaux menés pour protéger les générations futures. Au-delà des investissements à réaliser pour que la promesse de progrès ne se transforme pas en menace mortelle, les scientifiques ont sollicité des philosophes pour tenter de comprendre le futur. Mais, constate Jean-Paul Bouttes, « il n’y a pas d’études sur l’avenir des sociétés humaines au-delà de 50 ans ». Ainsi, il est bien difficile de définir le droit, les besoins, les exigences de générations qui n’existent pas encore. Et à l’évidence, la première précaution à rendre, c’est déjà, d’améliorer le sort de nos propres générations.

Enfin, l’auteur s’interroge sur l’efficacité de l’État, soulignant qu’un État fragmenté conduit à des pertes de compétence, que les démocraties, par le jeu des alternances, peuvent modifier des stratégies alors même que le monde est incertain.

Depuis 1950, époque où le nucléaire était militaire et que l’on considérait le déchet nucléaire comme relevant du secret d’État, d’énormes progrès de transparence et de précautions ont été réalisés.

L’auteur conclut que le déchet nucléaire n’est pas un obstacle au développement civil du nucléaire, d’autant qu’il fait l’objet d’une réduction permanente de volume.

Et l’on referme ces pages assez rassuré par le sérieux d’un propos qui reflète à l’évidence celui des scientifiques.

Philippe Langenieux-Villard