La démocratie contre le doute

Si Descartes fut le premier philosophe de la raison moderne, c’est parce qu’il a su reconnaitre dans le doute le point de départ de toute pensée conséquente et la meilleure arme contre l’inertie du préjugé, la force de la coutume et les mirages de l’illusion.

Mais il arrive que le doute conduise à la déraison. Ceux qui, par idéologie ou par cynisme, s’emploient aujourd’hui, partout dans le monde, à brouiller nos repères communs l’ont bien compris. Car c’est sur le terreau du doute – un doute instrumentalisé et dévoyé – que prospèrent aussi bien les idéologies populistes que les fondamentalismes religieux ou encore les théories du complot. Ces fléaux, qui mettent en péril la vie démocratique de nos sociétés, révèlent et nourrissent tout à la fois une préoccupante crise de confiance vis-à-vis de ce que, depuis les Lumières, l’on appelle l’espace public.

Fondé sur la possibilité d’une mise en commun apaisée et constructive de nos doutes, cet espace se réduit quand on se met à douter contre, plutôt que de douter avec. En témoignent, sur la scène internationale, la remise en cause du multilatéralisme et la survivance du climato-scepticisme. Dans l’espace médiatique, la prolifération des fausses nouvelles. En Europe, le coup de tonnerre du Brexit et la contestation de l’État de droit. Dans notre pays, l’érosion progressive du pacte social qui nous rassemble.

En France et partout dans le monde, la responsabilité collective des journalistes, des intellectuels, des acteurs de la société civile et, bien sûr, des responsables politiques est de travailler ensemble à ce que chacun retrouve sa place dans le débat démocratique. Face à la relativisation des faits, battons-nous pour la fiabilité de l’information. Face aux pièges de la radicalité, encourageons le débat d’idées. Face aux frustrations de ceux qui ne se sentent plus entendus, inventons des modes de décision plus inclusifs.

Face à l’empire du doute, refondons la citoyenneté !

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