Général Henri Bentégeat

Chefs d’état en guerre
Éditions Perrin

Chefs d’état en Guerre réunit, en dix chapitres d’une cinquantaine de pages chacun, une analyse des comportements de dix personnages-clef de leur temps, face à la guerre : Napoléon III, Abraham Lincoln, Georges Clémenceau, Winston Churchill, Joseph Staline, Adolf Hitler, David Ben Gourion, Lyndon B. Johnson, François Mitterrand et Jacques Chirac. Véritable chaudron de savoirs, Chefs d’état en Guerre mélange savamment histoire, politique, stratégie militaire et géopolitique.

Cet ouvrage permet une description précise et rigoureuse des environnements stratégiques et techniques de chaque portrait. Le Général Bentegéat respecte consciencieusement un matériau délicat - l’Histoire - pour poser une problématique intéressante : comment les personnages les plus puissants de leur nation se comportent-ils face aux risques de la guerre, et donc des pertes, civiles, militaires et matérielles ? De quelle manière la responsabilité qu’ils prennent devant les obstacles influence-t-elle leurs choix ?

Nous remarquerons que le Général Bentégeat ne choisit pas dix meilleurs stratèges, ni même dix chefs d’Etat vainqueurs ; ici, victoire et défaite sont bonnes à analyser. En mai 1995, après avoir autorisé les soldats français à ouvrir le feu lors des conflits dans les Balkans, on informe le président Chirac que sa décision a conduit à des combats sur le pont de Vrbanja en Bosnie-Herzégovine. Deux soldats français sont morts dans les affrontements. Informé, le Président Chirac confiera à son aide de camp « mes premiers morts… ». L’usage du possessif a son importance : ces morts, ce sont les siens, il en porte la responsabilité.

Face à ce défi, chaque personnage affrontant la réalité des combats, non pas sur le terrain mais derrière ses bureaux, ses cartes et ses généraux, réagira de manière différente : là où Staline craignait l’offensive allemande qu’il pensait pouvoir éviter jusqu’en 1942, Churchill bouillonnait d’idées et se faisait contenir par Roosevelt sur la conduite à tenir et la stratégie à adopter. Ben Gourion ne perdait jamais de vue son objectif, exigeant énormément pour obtenir un peu, se faisant la tête de proue d’un mouvement déterminé. En France, François Mitterrand ne craignait pas la guerre mais la repoussait au maximum au profit de la diplomatie en laquelle il croyait farouchement ; Jacques Chirac, héritant d’une situation complexe au Moyen-Orient, tint bon devant la tempête, refusant les manigances américaines et défendant avant tout et par-dessous tout une indépendance française chère au Général de Gaulle. Aujourd’hui, son refus de s’engager aux côtés des États-Unis résonne comme une idée prémonitoire tant l’engagement des américains a eu des conséquences néfastes pour l’équilibre de la région.

Le passage majeur du livre réside dans la triple vision du conflit de la Seconde Guerre Mondiale, guerre totale par essence, dans son horreur comme dans sa stratégie militaire. Ainsi, les trois chapitres dédiés à Churchill, Hitler et Staline décrivent avec une précision experte les enjeux tactiques des champs d bataille européens et particulièrement pour le Front de l’Est qui aura été la clef de la chute allemande.

 

Le Regard de Paél