Franz-Olivier Giesbert

Histoire intime de la Ve République - Le Sursaut

Gallimard

Cette « histoire intime de la Vème République » par l’un de ses observateurs les plus indisciplinés, débute par un aveu : ce premier tome raconte une période dont il a été le témoin inoffensif puisqu’il était trop jeune pour la chroniquer. « J’aurais aimé suivre de Gaulle comme journaliste. Il fallut me contenter de Mitterrand », écrit-il.

Il aborde toutefois cette période (1958-1968) avec son style, fait d’un mélange de souvenirs familiaux, de reprises d’anecdotes célèbres et de nombreuses lectures ou témoignages. Cet ensemble nourrit une écriture vive, moderne, volontiers irrespectueuse, qui n’aurait sans doute pas surpris celui qui appelait les journalistes des « scribouillards, et des pisse-vinaigre ».

L’auteur dépeint un général de Gaulle à la fois déterminé dans ses actions et prémonitoire sur de nombreux sujets mais affaibli par l’âge et envahi par le doute. « Il sent sa mort proche » et a une « impressionnante capacité à remettre sans cesse son mandat en jeu ».

Le décrivant comme un « professionnel du mensonge, un roi de la manoeuvre, du pipeau et de la virevolte » pour parvenir à régler l’affaire algérienne, Giesbert conclut bon joueur que « l’indépendance de l’Algérie est l’un des services que de Gaulle a rendu à la France, avec la confiance, la croissance et la constitution ».

Si les thème du développement économique et industriel de la France sous de Gaulle n’est qu’à peine esquissé, le journaliste politique se délecte à décrire les jeux de pouvoir, les coulisses des décisions ainsi que les jugements abrupts d’un chef qui s’étonne des faiblesses, des reniements, des compromis, des arrangements, d’une classe politique pourtant solide, expérimentée et choisie par ses soins méticuleux. Mais une classe politique qui veut satisfaire les français, alors que de Gaulle veut surtout « leur faire atteindre un but ».

Il dresse le portrait d’un homme finalement assez seul, à la fois pour conquérir le pouvoir mais aussi pour l’exercer, qui ne négocie jamais ses convictions et entretient avec les français une relation étrange faite de passion et de découragement. « Les français n’ont pas dit non à de Gaulle, ils ont dit non à l’effort », aurait-il confié à ses proches après le référendum de 1969. Une formule qui résume assez bien le portrait finalement favorable, de celui qui a permis « le sursaut » d’une France qui doutait d’elle-même en 1958.

Giesbert, d’ailleurs, évolue au fil des pages de la détestation (familiale) pour ce « dictateur », à de l’affection et de l’admiration pour le démocrate. Il reconnait pour conclure que « tous ceux qui, de gauche ou de droite, se sont succédé depuis de Gaulle, s’échinèrent à plaire aux français plutôt qu’à les gouverner ».

Philippe Langénieux Villard