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françoise fressoz

Éditorialiste au Monde

Les Lumières en berne  

 Esprit des Lumières es-tu là ? Depuis quelques temps déjà la démocratie française présente d'inquiétants symptômes. Au débat, certains préfèrent l'insulte. A la raison,  la colère. A la réalité des faits, la fausse information largement propagée par  les réseaux sociaux. Des élus se font menacer,  des journalistes aussi si, par malheur, ils ne pensent pas comme il faut. Tout ce qui fonde la démocratie représentative est contesté au nom d'un populisme dont on peine à voir ce qu'il a de démocratique. Petit aperçu, lundi 27 janvier, de l'état dans lequel le pays de Descartes est parvenu à se mettre au mi-mandat d'Emmanuel Macron, marqué par le mouvement des gilets jaunes puis la contestation contre la réforme des retraites : alors qu'une  vidéo montre une effigie de la tête du président sur une pique lors « d'une retraite aux flambeaux » organisée trois jours plus tôt, Robert Badinter, grande figure du mitterrandisme s'insurge sur le plateau  de l'émission télévisée C à vous . « La représentation d'une tête au bout d'une pique, qui n'est rien d'autre que la continuité de la guillotine, est à mes yeux absolument et totalement condamnable » s'exclame l'ancien garde des Sceaux qui a aboli la peine de mort en 1981. Et l'avocat de plaider : «Vous avez tous les moyens, toutes les libertés, l'expression, le défilé, la manifestation, le slogan, ce que vous voulez, mais pas la violence physique, pas l'agression des êtres humains, pas non plus la symbolique de la mort, parce que la mort n'est pas compatible avec nos idéaux ». Réponse du tac au tac sur les réseaux sociaux  « On aurait pu croire que Badinter condamnait Castaner et Macron. Mais non. Le bloc préfère condamner les violences symboliques plutôt que les violences physiques réelles » tweete alors Alexis Poullin, co-fondateur du média Le Monde moderne. Le chroniqueur fait allusion aux  violences policières commises lors des manifestations. Il met en scène un État autoritaire et répressif auquel répondrait légitimement  la violence des manifestants. La gauche radicale est désormais sur cette thèse, relayée par les représentants de la France Insoumise qui dispose d'élus au parlement.  Funeste imposture car quoiqu'on pense et quoiqu'on dise de la réforme des retraites, elle a été et ne cesse d'être négociée. Elle est actuellement discutée au parlement. Aux dernières nouvelles, la France est toujours une démocratie. C'est son bien le plus précieux. Personne ne l'a dit aussi clairement que Robert Badinter.