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FRANCK RIESTER

Ministre de la Culture

 

La raison, fondement de la démocratie à protéger

À laisser la raison déserter le débat public, finirons-nous comme « les grenouilles qui demandent un roi » décrites par Jean de la Fontaine ? Lassé de se gouverner lui-même, le peuple amphibien de la fable décide de s’en remettre à la toute-puissance d’un seul, et précipite ainsi sa propre perte. 350 ans plus tard, la mise en garde du fabuliste prend une nouvelle actualité.

L’emprise croissante des fausses nouvelles et autres théories du complot ébranle les fondements de notre démocratie. Elle trouve son origine dans la défiance généralisée qui s’exprime envers toutes les autorités établies : jusques et y compris celle de la science.

Nous en observons les effets, en France comme ailleurs : la parole des savants, des intellectuels ou des institutions est devenue l’objet de toutes les suspicions. Aux faits, on préfère les rumeurs, à la réflexion la simple émotion. Nombreux sont ceux qui, même dans le monde économique ou politique, entretiennent un relativisme mortifère dans lequel la vérité ne se distingue plus du mensonge.

Les Lumières sont-elles, comme le proclament certains, en train de s’éteindre ? La raison est-elle une espèce en voie de disparition ? Nous ne pouvons nous y résoudre. Aussi faillible et imparfaite qu’elle soit, la raison est la seule chose qui puisse nous mettre d’accord. Elle est le seul juge de paix qui vaille.

Notre première responsabilité aujourd’hui est de lutter contre toutes ces formes contemporaines de manipulations ou de confusion, pour rétablir les droits de la vérité. Cela passe aussi par une défense vigoureuse du pluralisme et de la liberté d’expression. Car la vérité naît de la confrontation des points de vue, de l’échange des arguments, sans place pour les pressions ou l’intimidation.

Quelle meilleure illustration d’une telle ambition que cette journée du livre politique : où se retrouve chaque année, dans toute sa diversité, le meilleur de la pensée sur le monde et la société d’aujourd’hui ?

A l’ère de l’immédiateté, le livre est un instrument de résistance. Il nous permet de prendre le recul nécessaire, de nous arracher à la pression du quotidien. Il restitue le monde dans sa complexité et nous donne ainsi les moyens de le changer. Grâce à lui et à ceux qui le font vivre, nous ne serons jamais grenouilles.