Visuel Facebook.jpg

étienne gernelle

Directeur du Point

Il pleut des fariboles !

Sont-ils devenus fous ? La vie politique française – pas seulement elle, soyons justes – semble consacrer ces derniers temps la victoire de « X-Files », feuilleton télévisé populaire des années 1990, dont le slogan promotionnel était « la vérité est ailleurs ». On donne des noms ? Allez, exceptionnellement, soyons cléments, évoquons justes les âneries, proférées de manière sentencieuse, par nombre de politiques : Le gestionnaire d’actifs BlackRock aurait dicté à Emmanuel Macron sa réforme des retraites, le glyphosate empoisonnerait à grande échelle les populations, les vaccins seraient dangereux et ne serviraient que les laboratoires pharmaceutiques, on peut « croire » en l’homéopathie… On a même trouvé un élu qui s’est transformé en survivaliste, persuadé que l’effondrement de la civilisation est proche… Les mouvements « parapolitiques ne sont pas exempts. Le sabotage de milliers de trottinettes électriques revendiquées par un mouvement se disant écologiste au motif (entre autres) qu'elles seraient des «  briseuses de grève »  laisse pantois. Tout ceci a été formidablement bien décrit par Gérald Bronner, sociologue et spécialiste des croyances, dans un livre intitulé « Déchéance de rationalité » (Grasset, mars 2019).

Mais est-ce nouveau ? Le 25 septembre 1972, le tout premier éditorial du « Point », écrit par Claude Imbert, commençait ainsi : « L’éloge, partout, de la folie ? ». Et notre fondateur de poursuivre : « gémissements littéraires, apocalypses de pacotille, qui ne se sent déjà lassé de ces pleurnicheries d’ilotes, fatigué de cet abaissement de l’intelligence et du caractère ? ».

Malheureusement, tout cela n’est pas un scoop. A ceci près que la politique est de plus en plus concernée par les sujets scientifiques : santé, environnement, énergie… Or les sciences dites « dures» ne pardonnent pas. Les fariboles finissent par se voir. Jusqu’à avoir un effet électoral ? A vérifier. Après tout, on peut-être élu président des Etats-Unis en niant en bonne partie les observations des plus grands chercheurs en matière de climat…

Il existe toutefois une raison d’être optimiste. Nos ventilateurs à calembredaines sont farfelus, crétins, et susceptibles de nous envoyer dans le mur s’ils parvenaient au pouvoir. Néanmoins, il y en a peu, ou moins, qui soutiennent ouvertement les délires de la génération précédente : trotskismes et maoïsme, par exemple, qui étaient franchement totalitaires. Nous avons nos fous, certes, mais peu pour l’instant proposent l’ouverture de camps de rééducation. Un progrès ? Espérons que ça dure. Dans le doute, il n’est pas inutile de relire Raymond Aron, en particulier sa préface à « L'opium des intellectuels » : « Qu'on observe la réalité, que l'on se donne des objectifs, et l'on constatera l'absurdité de ces amalgames politico-idéologiques, dont jouent les révolutionnaires au grand cœur et à la tête légère, et les journalistes impatients de succès. ». Reviens, Raymond !