Prix du Livre de Géopolitique 2021

éditorial

 
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« L’épidémie de Covid, matrice de la géopolitique du XXIème siècle »

Les pandémies, au même titre que les crises économiques, les grandes guerres et les révolutions, font basculer l’histoire. L’épidémie de Covid est ainsi en passe de devenir la matrice du XXIème siècle, comme la première guerre mondiale fut celle du XXème siècle. Elle marque l’entrée dans l’histoire universelle, en soulignant l’interdépendance des hommes, des sociétés et des nations, comme l’existence des risques planétaires. Mais elle amplifie aussi les tensions d’une mondialisation qui se restructure autour de blocs régionaux, l’irruption d’une nouvelle guerre froide entre les Etats-Unis et la Chine, le repli des nations sur elles-mêmes. Simultanément, l’urgence sanitaire a accéléré le recul des libertés publiques sur tous les continents.  

Après la dissipation des illusions sur la fin de l’histoire et l’auto-régulation du capitalisme, la géopolitique est de retour, sous la forme d’un monde multipolaire, dangereux et très instable. La désoccidentalisation est désormais une réalité. Le centre de gravité du capitalisme et des échanges bascule vers l’Asie et celui du monde de l’Atlantique vers le Pacifique. Le système mondial est privé de leadership dans un moment où la politique de puissance adossée aux passions nationales et religieuses revient en force et où la violence se libère des institutions et des règles qui avaient pour objectif de l’endiguer.

La démocratie, qui a commis l’erreur cardinale de se penser immortelle, est de nouveau contestée et n’a jamais été aussi menacée depuis les années 1930, prise sous le feu croisé du total-capitalisme chinois, des démocratures et des djihadistes à l’extérieur, des tenants de la démocratie illibérale et des populistes à l’intérieur.

Pour l’Occident comme pour la démocratie, la décennie 2020 sera décisive. Soit les nations libres parviennent à se reconstruire en mettant en place un nouveau pacte économique et social soutenable, en pilotant la double révolution numérique et écologique, en restaurant la paix civile, en concluant une nouvelle alliance qui ne repose pas sur les seuls Etats-Unis pour contenir la Chine et les démocratures. Soit les régimes autoritaires prendront définitivement l’avantage.     

L’histoire du XXIème siècle reste ouverte mais le temps est compté. La Chine, les démocratures et les djihadistes sont forts des faiblesses des démocraties. Celles-ci continuent à disposer de formidables richesses, au premier rang desquelles l’énergie de leur citoyens et leur capacité d’innovation. Mais il leur manque l’essentiel, à savoir la confiance dans leurs valeurs, sans lesquelles il n’est pas de stratégie gagnante à long terme. L’engagement pour la liberté est bien présent dans les démocraties asiatiques mais vacille aux Etats-Unis, sous l’effet des fractures ethniques et raciales, et en Europe, en raison du refus d’assumer la charge de sa sécurité. Ce sont les citoyens des démocraties qui décideront de la géopolitique du XXIème siècle selon qu’ils perdent définitivement ou retrouvent la foi dans la liberté et la volonté de la défendre.

Nicolas Baverez,
Essayiste, Avocat