Éditorial de Jean-Louis BOURLANGES

Membre du Jury

 
 

une discipline sulfureuse

La géopolitique est une discipline sulfureuse. Historiquement, elle n’a pas bonne réputation car elle est issue d’un temps où l’esprit de domination faisait (déjà) des ravages. Politiquement, elle fait peur en raison de la faveur et de la ferveur dont les nationalistes de tout poil l’ont traditionnellement entouré. Académiquement, la dimension résolument pluridisciplinaire de l’entreprise effraye une recherche française qui n’aime pas le mélange des genres. Ces motifs d’inquiétude se rejoignent pour dénoncer l’alibi fourni à la volonté de puissance de certains impérialistes par la manipulation arbitraire de concepts trop hétérogènes pour être contrôlé.

Ce qui justifie pourtant pleinement la réhabilitation de la géopolitique, et par voie de conséquence l’institution d’un prix du livre géopolitique attribué aux meilleurs auteurs de la discipline, c’est que le monde est lui-même devenu trop sulfureux, trop divisé et trop dangereux, pour ne pas recourir aux services d’une discipline qui éclaire ce qui sépare, ce qui fragmente, ce qui oppose. Les idéologies sont l’écume de l’histoire. Ce qui compte vraiment, ce sont les forces profondes, qu’elles soient d’ordre physique, climatique, démographique, économique ou militaire. Ce sont elles qui déterminent notre avenir, au travers d’un entrelacs factoriel que précisément la géopolitique a vocation à éclairer. Le prix du livre géopolitique repose sur une idée simple : il faut permettre aux âmes généreuses et bienveillantes de porter sur le monde qui nous entoure le regard froid, impassible et informé de ceux qui entendent vaincre. Malheur à la Cité dont le prince se croirait libre d’en dédaigner les leçons.

Jean-Louis BOURLANGES est Député, Président de la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale.