La journée du Livre Politique 2020 est annulée mais nous continuons à lire et à découvrir pour vous les essais politiques et socio-politiques. Aujourd’hui, coup de coeur d’Adèle Volard :
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David Djaiz

Slow Démocratie
Allary Éditions

 

« De la réconciliation entre la démocratie, le capitalisme et l’écologie »

 

« Mondialisation et démocratie ne sont pas irréconciliables ; mieux : l’État-nation est l’habitacle qui permet de les réconcilier ». Voilà tout l’enjeu de l’ouvrage de David Djaïz intitulé Slow Démocratie dans lequel il se fait défenseur d’une certaine idée de la nation à contre-courant de celle des nationaux-populistes.

Il n’est pas ici question de monoculturalisme, d’ethnicité, de populisme et encore moins d’euroscepticisme, mais bien plus de démocratie, de solidarité et de cohésion territoriale. Dans cet essai, l’ancien normalien, énarque, devenu haut-fonctionnaire retrace les évolutions des pays occidentaux depuis l’après-guerre pour comprendre la mise en place d’un ordre libéral international non démocratique dont les retombées se font aujourd’hui sentir. Après les chocs pétroliers et la révolution conservatrice initiée par l’arrivée de Margaret Thatcher à la tête du Royaume-Uni en 1979, tous les acquis desdites « Trente Glorieuses » sont remis en cause. Contre l’État-providence, la Dame de fer clamait : « Rolling back the State ». Ainsi, alors que les échanges mondiaux et la dérégulation des marchés ne cessaient de croître, les États se voyaient dépossédés de certaines de leurs prérogatives aux profits d’institutions internationales non élues. C’est un fait, l’hypermondialisation qui a aboli les frontières, a entraîné une perte de pouvoirs des parlements et c’est contre celle-ci et ses technocrates que se sont retournés les nationaux-populistes après la crise de 2008. Cela s’est traduit dans les urnes : « De 1998 à 2018, le nombre de citoyens européens dont le gouvernement contient au moins un ministre national-populiste est passé de 12,5 à 170,2 millions » nous rappelle par ailleurs l’auteur.

Depuis les années 1990, en lien avec la mondialisation, les inégalités de patrimoine et de revenu au sein des vieux pays industrialisés ont explosé, entraînant la sécession des élites. Ces dernières ont développé des stratégies d’évitement, type évasion fiscale, qui ont malmené la solidarité entre les territoires au sein des nations faisant renaître des indépendantismes régionaux à l’image de la Catalogne. Les fractures, territoriales et sociales, sont désormais bien visibles.

Le bilan de ces années apparaît édifiant, et pourtant David Djaïz se refuse à tomber dans le catastrophisme et le pessimisme. En s’inscrivant dans la mouvance de la gauche réformiste, il prône un New Deal territorial, permis par un État-nation fort et intégré à l’Europe, avec des solutions concrètes. Sans tomber dans l’isolationnisme, il s’agirait alors de réorienter les dépenses vers des productions locales en favorisant l’économie circulaire pour une mondialisation soutenable. En définitive, ce système engendrerait une « collaboration plus durable entre capitalisme, démocratie et écologie ». On en revient alors au titre de son ouvrage : Slow Démocratie, ou comment ralentir le rythme infernal des échanges internationaux en créant des « îlots de décélération » et en réhabilitant les nations démocratiques.

Slow Démocratie est donc un essai résolument optimiste et didactique aux confins de l’économie, de l’histoire et de la politique. Une lecture qui détonne à l’heure du catastrophisme, un beau pied de nez aux nationaux-populistes qui prétendent s’approprier le concept de nation.

 

Adèle Volard