prix du livre d’histoire contemporaine 2023

Colette en guerre : 1939-1945, Bénédicte VERGEZ-CHAIGNON

Le regard d’Annette WIEVIORKA

« Ce livre est un livre des confinements et des interstices entre les confinements » écrit  Bénédicte VERGEZ-CHAIGNON. Le sien, surtout celui de Colette « confinée » volontairement pendant les années de la Seconde Guerre mondiale dans son appartement du Palais Royal.

Quels furent les choix, petits ou grands, que fit l'écrivaine qui n'aimait pas la politique pendant ces années d'Occupation ? Deux ne font aucun doute. Écrire d'abord, notamment pour les journaux, puisqu'aussi c'était son gagne-pain ; rester à Paris aux côtés de son mari, Maurice Goudeket, juif et donc exposé aux persécutions qu'il subira effectivement, étant arrêté lors de la rafle dite des notables (décembre 1941) et que Colette sauva de la déportation. Elle ne se remit jamais de son arrestation. Pour le reste, la vieille dame percluse d'arthrose se débat comme tous les Français dans les soucis de la vie matérielle : se loger, se chauffer. Sans se commettre avec l'occupant ou ses complices, et en affirmant son amour de la France.

Bénédicte VERGEZ-CHAIGNON éclaire dans cet ouvrage écrit d'une plume alerte les quatre années de l'Occupation que Colette regarda largement de sa fenêtre (c'est ainsi qu'elle tira un recueil d'articles) de son appartement plus qu'elle n'y participa. Des années dont nous ne savions rien, ou si peu, et qu’elle fait revivre à l'aide d'archives largement inédites et d’articles que Colette donna à la presse qu'elle remet au jour. Colette sort de la guerre, ménagée par les écrivains qui mènent l'épuration des leurs, Aragon en tête, au faîte de sa gloire. Elle intègre alors l'académie Goncourt.

Au delà de l'intense curiosité pour la vie de cette écrivaine dont on célèbre cette année le 150ème anniversaire de sa naissance, c'est aussi une contribution à la connaissance de la vie quotidienne sous l'Occupation par une de ses meilleures historiennes.