Le business de la dépendance

Par Clément LACOMBE

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Avis des lecteurs

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Olivier GUÉANT

Mathématicien, Entrepreneur et Directeur du Master Modélisation et Méthodes Mathématiques en Économie et Finance, Université Panthéon-Sorbonne Paris I

Est-il moralement condamnable de s’enrichir dans le secteur des maisons de retraite ? C’est sur cette question d’ordre moral et non purement économique que s’ouvre l’article de Clément Lacombe. Technique journalistique pour attirer un lecteur friand de scandales ou vrai questionnement de l’auteur ? Probablement un peu des deux à la fois. En réalité, la question des profits dans le secteur de la dépendance pose la question de l’existence même d’acteurs privés à but lucratif dans ce secteur.

La dépendance des aînés, corollaire inexorable du vieillissement de la population, génère et continuera de générer sans nul doute dans le futur une demande croissante en termes d’hébergement, de restauration et de soins. Dès lors, l’article pose la question de l’offre. De fait, aujourd’hui, la demande dépasse l’offre publique et l’offre associative réunies et elle dépasse probablement toute l’offre, y compris celle des acteurs privés à but lucratif. Sinon, comment expliquer la persistance de marges nettes élevées (on parle de 9% sur le périmètre non subventionné) alors même que, comme le précise l’article, le secteur est presque sans risque ?

Pourquoi l’offre n’est-elle pas plus importante face à une telle demande ? En réalité, les acteurs du secteur témoignent de difficultés à recruter mais le problème semble insoluble s’il faut rendre plus attractifs, en terme de salaire, les métiers du secteur car les prix des prestations sont déjà élevés. On voit en fait qu’il n’y a pas de solution si l’on n’accroît pas le financement de la dépendance (par la sécurité sociale ou via des assurances privées). Les impasses mises en avant par l’article montrent en fait que la dépendance est aujourd’hui un angle mort politico-économique dans une société qui refuse de penser la mort et donc son prélude, la vieillesse. Le raisonnement économique bute ici sur des contingences plus sociétales / philosophiques.

L’article insiste aussi sur certains témoignages édifiants par le manque d’humanité dont ils témoignent tant envers les personnes âgées qu’envers les personnels qui souffrent de la situation. Si l’Etat a probablement un rôle à jouer en fixant des normes (nombre de temps-plein par centaine de résidents, qualité de la restauration, etc.), le fait que la situation ne change pas par le truchement des familles confirme que la concurrence ne fonctionne pas et l’on revient au point précédent du déséquilibre offre/demande et du financement.

Dans un futur proche, la société devra penser la dépendance et l’Etat mettre en place le financement, directement ou sous forme d’incitations fiscales pour que la machine se mette en marche avec des acteurs mutualistes ou des assurances privées, pour prendre soin des plus âgés.


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Sophie ANQUETIL

Maître de Conférences en Sciences du Langage, Université de Limoges

La principale vertu des articles sélectionnés dans le cadre du Prix du Meilleur Article Financier est d’opérer une médiation entre l’expert économique et le néophyte dans un but d’accès à la connaissance du domaine économique. Les ajustements terminologiques et apports citationnels témoignent de cette volonté de médiation qui ne prive pas le lecteur d’une réelle démonstration scientifique, appuyée par des données empiriques. Le soin apporté à la didacticité a vocation à modifier l’état de connaissance du lecteur. La fonction informative des articles se double d’une fonction prescriptive invitant à une lecture critique et éclairée du monde contemporain, distanciée des représentations dichotomiques sur l’économie, de ses mécanismes systémiques, et de ses illusoires « mains invisibles ». Quelle que soit la ligne politique adoptée, ces articles constituent de véritables outils démocratiques : s’ils orientent la pensée, ils dotent dans le même temps le citoyen d’un pouvoir analytique, voire se font le relais de cette voix doxique et citoyenne qui appréhende les conséquences directes d’une économie qui interfère autant qu’elle est interférée. Ainsi l’économie est pensée dans ses relations, a priori antagonistes, mais désormais charnelles avec la nature et le vivant. La lecture de ces articles pose en effet une question essentielle pour le devenir de nos sociétés : l’écologie et la santé seront-elles les piliers de l’économie de demain ?


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Catherine KARYOTIS

Professeur d’Économie, Directrice du Master Analyse Financière Internationale, NEOMA Business School

L’article de Clément Lacombe interroge une dimension sociétale particulièrement pertinente. L’article est bien introduit avec des exemples concrets permettant une mise en contexte immédiate pour le lecteur.

Il est bien documenté pour rendre robuste la démonstration technique que l’auteur souhaite faire (exemples : répartition du capital d’Orpea, explication pédagogique d’un montage LBO…).

L’analyse des trois systèmes (privé, public, privé à but non lucratif) est correctement menée. Le questionnement est bon, avec quelques propositions réalistes pour étayer la dimension prospective de l’article.