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Catherine Nay

Souvenirs, souvenirs…
Robert Laffont

 Je termine à l’instant la lecture du chapitre six, page cent vingt-deux. Et j’ai hâte, à vrai dire, de poursuivre ma lecture. Catherine Nay nous parle de « l’ancien monde ». Ce monde imparfaitement connu que nous sommes certains d’abhorrer. La lecture du journal politique de Catherine Nay peut pourtant laisser penser que notre époque ne doit pas radicalement dépayser les témoins de cet « ancien monde ». Un détail peut-être…

Dans cet univers qu’on décrirait volontiers chaste et austère, où les costumes sombres s’imposent comme uniformes et les tailleurs – obligatoires – sont rares, les rapports de séduction et les relations extra-conjugales sont plus présents. Ils animent, aussi, les esprits et les discussions. Ou, plutôt, la vie et le vécu des femmes et des hommes, journalistes et politiques. (Deux milieux qui se côtoient, se lient parfois, sans jamais tout à fait se confondre.) Et pourtant, ils ne sont pas déterminants. Ils viennent « humaniser » les personnages rencontrés et contés. Ils dégagent le parfum d’un temps a priori révolu. Car il faut bien aborder ce tome un, dont le récit se termine en 1995, pour ce qu’il est : un témoignage, le témoignage d’une journaliste qui continue d’ailleurs, aujourd’hui encore, de « regarder » le monde politique français.

Ce regard est nécessairement subjectif. Et cette subjectivité, Catherine Nay ne la cache pas, elle met en relief son récit. Elle révèle peut-être aussi un temps où les hommes politiques intéressaient les français non seulement pour leurs idées, leurs engagements, leurs réalisations mais également pour leur personnalité et leur psychologie, pour leurs succès et leurs échecs, leurs bonheurs et leurs malheurs. Cette subjectivité apparaît nécessaire pour comprendre le basculement, notamment culturel, de notre société. Certes, Catherine Nay « a détesté Mai 68 ». Mais elle nous explique « d’où elle parle ». Ce qui permet aisément de se repérer dans ce monde – son monde – qu’elle nous retranscrit. Depuis son enfance et à travers son parcours comme journaliste politique à L’Express, alors « la forme la plus moderne du journalisme », puis à Europe 1. Elle nous permet de comprendre l’ambiance de l’époque, en rapportant de nombreuses anecdotes, observations et remarques, toujours personnelles. 

« Souvenirs souvenirs… » est une lecture sur le pouvoir. Et cette lecture apparaît d’autant plus utile pour comprendre les quatre décennies décrites que le pouvoir, à ce moment-là de notre histoire, est essentiellement politique et médiatique. Un récit pour toute génération, celle de Catherine Nay, celle d’après Mai 68 et les Millenials, pour susciter enfin des échanges intergénérationnels.

 

Edward Chekly