La journée du Livre Politique 2020 est annulée mais nous continuons à lire et à découvrir pour vous les essais politiques et socio-politiques. Aujourd’hui, coup de coeur d’Edward Chekly :
fourest.jpg

CAROLINE FOUREST

Génération offensée                     
Grasset

Quand une génération démissionne et laisse place à une jeunesse autoritaire, la société s’inscrit dans une logique inquisitoire. Quand une génération déserte l’esprit libertaire pour une idéologie identitaire, un champ de ruines intellectuel et culturel s’installe pour profiter aux « nostalgiques de la domination » et, politiquement, à l’extrême droite, conservatrice et moralisatrice. Quand une génération revendique des identités « offensées » pour exister, la société s’engage dans une impasse dangereuse. Celle de la surveillance « dans la vie réelle », contre les libertés individuelles et collectives. Cette génération, Y ou Millenium, tend à appliquer « une vision séparatiste de l’identité aux êtres et à la culture », au point « d’interdire le mélange, les échanges, les emprunts » dans les domaines du savoir et de la création. Autant d’interactions, de flux, de logiques, de dynamiques qui ont permis, dans un esprit universaliste, l’émancipation des individus dans les précédentes générations, en France et aux Etats-Unis, les deux pays visés dans cet essai. Or, dans ces deux pays, Caroline Fourest nous alerte : « le mal est en train d’arriver ». Ce mal, l’auteure l’identifie explicitement : il trouve son origine à la fin des années 1970 et est créé par une gauche identitaire, moraliste, postmoderniste, celle du « politiquement correct », « en chute libre dans l’opinion », mais qui, en occupant les espaces du savoir et de la création dans notre société, laisse progressivement place, dans nos institutions et dans l’opinion, à l’extrême droite et à la remontée du désir de domination culturelle. En réalité, ce sont les nombreux faits rapportés dans ce livre, isolés en apparence, qui interpellent et qui, emboités, finissent par nous alerter. La multiplication de « micro-agressions », intimidations, interdictions, suppressions, boycotts, renvois, censures, dans les domaines de la culture, toutes ces actions de cette génération, au nom d’identités “offensées”, permises par la désertion, la démission, l’autocensure, la fuite, l’autorisation, et in fine la complicité culturelle des élites de la précédente génération, nourrissent un phénomène dangereux. Autant de polémiques qui prennent la forme d’ « inquisitions culturelles » dans nos sociétés, au péril du difficile équilibre entre égalité et libertés. Les exemples sont édifiants et la démonstration efficace. Et ce livre, plutôt que conclure le débat, fermer l’esprit ou rétrécir l’horizon, nous laisse penser, méditer, réfléchir. Il présente un chemin. Eveille l’esprit critique. Il combat sans interdire. Il instruit. Nous le recommandons à toutes les générations.

Edward Chekly