« Le sceptre et la plume »

Par bruno de cessole

Le regard de
Philippe langenieux-villard

Ce sont peut-être les derniers: Les derniers hommes d’Etat-écrivains et les derniers écrivains ayant influé sur l’histoire politique de la France. Vingt-quatre noms, vingt-quatre destins hors-normes, depuis Montaigne jusqu’à François Mitterrand présentés sans la moindre concession mais avec la même admiration, par Bruno de Cessole, remarquable conteur et puits de science historique et littéraire.

L’auteur nous offre en effet un voyage extraordinaire à travers des destins dont le temps n’a pas encore éteint les flammes. Des formules ciselées grâce à un style vivant et des citations judicieusement semées au long de chaque récit, décrivent avec une grande netteté les trajectoires souvent inattendues de tous ces illustres.

On s’étonne de découvrir un Henri IV poète galant et sincère, un orateur subtil et convaincant. On surprend Louis XIV beaucoup plus intellectuel que Saint Simon le laisse entendre, sensible à la qualité de l’écrit et auteur de Mémoires où le monarque ne manque pas d’avouer la nécessité de travailler et de bien s’entourer pour réussir.

Le personnage de Mirabeau, à la fois brillant et laid, superbe orateur et responsable politique ambigu mais perspicace, puis l’étonnant  portrait de saint Just aussi génial qu’inconstant, et enfin celui de Chateaubriand à l’orgueil démesuré et davantage « épris de postures que de responsabilités », sont autant de chapitres délicieux et passionnants.

On dévore les pages consacrées à Victor Hugo dont l’auteur ne manque pas de souligner les sincérités successives, on admire le combat inachevé de Jean Jaurès à la parole aussi puissante que l’abondante oeuvre écrite, on se régale des méchancetés de Georges Clemenceau tout en découvrant l’immense production littéraire.

Faut-il poursuivre l’éloge de ces pages par les portraits si justes de Maurice Barrès et de Léon Blum, les vertus littéraires immenses de Charles de Gaulle, l’intelligence et la culture de Georges Pompidou, les multiples et riches facettes d’un François Mitterrand, en vérité dernier responsable politique sachant manier avec autant de superbe le sceptre et la plume?

Bruno de Cessole suggère que seule la France peut produire une classe politique dont le talent soit à la fois de décision et de culture littéraire. Souhaitons que ce constat ne se limite pas à l’analyse du passé et perdure. Il ne suffit pas en effet d’écrire des livres pour être un intellectuel, ainsi que le démontre l’auteur en évoquant les tentations de Valéry Giscard d’Estaing, certes, académicien, mais « égaré en littérature ».

Cet ouvrage passionnant, aussi riche que dense, aussi critique que laudatif, résultat d’un considérable travail d’archives, de lectures et d’écriture (car l’auteur  manie la langue avec une très grande élégance) constitue à l’évidence, l’une des meilleures et plus instructives publications de cette rentrée.