Aurélien Rousseau

La blessure et le rebond

Editions odile jacob

« L’État et les autorités qui le représentent gagneraient à apprendre à dire l’incertitude. On peut avouer son ignorance sans être pour autant incompétent » : voilà le message central de cet essai de haute volée consacré à l’analyse de la crise du COVID par l’un de ses acteurs principaux alors directeur général de l’Agence régionale de santé d’Ile de France.

Ce texte, très personnel, présente l’immense qualité de n’esquiver aucun des faits ni aucune des décisions prises pendant la gestion de la crise sanitaire: il s’offre à notre regard comme « la boite noire » enregistreuse ainsi que le promet le sous-titre de l’ouvrage.

Respectant la chronologie d’événements qu’aucune prescience ne pouvait imaginer, rappelant la sidération et l’impréparation des pouvoirs publics, l’auteur s’attache à démontrer néanmoins la réactivité des hommes, l’obligatoire souplesse des structures publiques, l’extraordinaire mobilisation de moyens, d’idées et de forces pour combattre une situation exceptionnelle : « C’était la vie ou la mort », rappelle-t’il en évoquant les évacuations sanitaires et bien d’autres choix d’urgence.

Il assume, et c’est là un élément majeur d’intelligence politique et humaine, la situation d’un responsable qui, face à l’imprévu, accepte d’avouer « ne pas savoir » l’avenir. « Il faut, écrit-il conjurer l’incertitude en disant le doute, conjurer la défiance en disant l’incertitude ».  Ces mots d’humilité répondent avec finesse au constat selon lequel « le vrai et le faux ne sont pas les catégories universelles de l’entendement ».

Bien sûr, Aurélien Rousseau ne masque pas les critiques et les injures qu’une posture de prudence et de responsabilité a pu susciter ici ou là, notamment par des personnes  qui n’ont pas même cherché à accepter le complexité de la situation tandis même qu’elles en avaient l’aptitude intellectuelle… Une manière élégante de remettre à leur place bien des donneurs de leçons, qui, en boucle sur les plateaux de télévision, prétendaient détenir la vérité.

L’auteur, pour ne pas rester au simple stade de la mémoire, pour n’être pas seulement celui qui raconte, propose en fin d’ouvrage des pistes de travail pour l’avenir. Il est à souhaiter que les responsables publics à tous les niveaux de responsabilité, lisent ces pages utiles et sages, grâce auxquelles, malgré les blessures, il est toujours possible de rebondir.

Philippe Langenieux-Villard