“Une histoire française: Mémoires”

Alain Juppé

Le regard de
Philippe LAngenieux-Villard

L’enfant de Mont-de-Marsan, remarqué par ses professeurs dont il n’a pas oublié les noms et auxquels il reconnait tout devoir, raconte ici une vie de combat. Alain Juppé dresse à cette occasion un vibrant hommage au corps enseignant. Il se dit enfant de la méritocratie, rentrant à l’ENA presque par hasard et s’engageant dans la vie politique sans y avoir songé jeune homme.

L’ouvrage suit pas à pas l’itinéraire de celui qui est à la fois assez sûr de lui-même et en même temps toujours soucieux du regard des autres. L’homme est timide, mais, s’adonnant à l’exercice de la mémoire (très précise) et de la confidence (néanmoins retenue), il dévoile (avec sa pudeur) les moments les plus forts d’une vie qui, si elle semble linéaire au profane, s’avère à l’examen semée de surprises et d’embuches.

Soucieux de défendre ses choix politiques en qualité de ministre et de premier ministre ou encore de patron du RPR, il use à plusieurs reprises de l’appel à des témoignages inattendus et très positifs sur son action. N’est-ce pas la règle du jeu des « Mémoires »? S’il sait exprimer sa reconnaissance à l’égard de multiples acteurs qui ont accompagné sa carrière, il tait en revanche, en homme sage, les coups de griffes et les jugements trop abrupts. On découvre parfois sa surprise ou son étonnement devant telle ou telle attitude de Jacques Chirac, Philippe Seguin, Nicolas Sarkozy ou François Fillon, mais à aucun moment sa plume de verse de venin.

Blessé ici par l’impopularité, là par une décision de justice implacable, il écrit avec simplicité ce qu’il doit à son épouse et expose avec des mots très justes les conséquences, pour une famille, d’avoir à partager la vie d’un homme public.

Il semble heureux, en vérité, lorsqu’il s’éloigne de la scène nationale. Heureux au Quebec, heureux à Bordeaux. La capitale de la Gironde lui fait écrire des pages passionnées sur son action de maire, sur les réalisations en effet très exceptionnelles qu’il est parvenu à y mener à bien.

Combats gagnés, combats perdus, Alain Juppé  raconte en effet « une histoire française »: celle que connaissent tous les hommes politiques aux carrières à la fois brillantes et en même temps si douloureuses.

Le voici, à la fin du livre, exprimant son optimisme et affirmant sa confiance dans la jeunesse française. Est-ce simplement une ultime manière de « faire de la politique »? Ou une façon de réveiller en nous la fierté d’être un peuple libre? Sans doute les deux à la fois, car s’il est une évidence, en refermant ces pages, c’est le sens du service public et l’amour de notre pays qui a toujours inspiré Alain Juppé.