François Bazin

Secrétaire général du Prix du Livre de Géopolitique, Essayiste, Editorialiste au Nouveau Magazine Littéraire


Quand la géopolitique rencontre le rêve et l’imaginaire

En 2018, le jury du Prix du Livre de Géopolitique a couronné Stephen Smith pour une enquête décapante et dérangeante sur les flux migratoires venus d’Afrique. Cette année-là, une mention spéciale a été également accordée au Retour à Lemberg de Philippe Sands, voyage vertigineux dans les coulisses du crime et du droit. A quoi sert la géopolitique ? A lire le monde, tout simplement. Celui qui fut, celui qui vient. Celui dans lequel nous vivons et qu’il faut savoir décrypter si l’on ne veut pas remettre notre destin entre les mains de la seule fatalité. Pour 2019, je ne prendrais qu’un seul exemple afin d’illustrer mon propos. Amin Maalouf a écrit avec Le naufrage des civilisations, un livre rare qui vaut à la fois par sa subtilité et sa simplicité. Un homme dans son siècle qui le raconte et l’analyse, qui parcourt sa mémoire comme il a parcouru hier tous les points chauds du globe, qui sait d’où il vient, c’est-à-dire du Levant, et s’interroge sur ce que pourrait être demain le Ponant du monde. Il y a dans l’œuvre de Maalouf une ambition littéraire qui témoigne, à sa façon, de la richesse des études es-géopolitiques. Cela tient à mon sens au pouvoir d’évocation d’une spécialité dont on vérifie, chaque année, qu’elle n’est pas seulement arrimée au rivage parfois un peu sec de la recherche académique. Même cette dernière, avec les règles et les codes sans lesquels elle serait pure bavardage, montre dans ce qu’elle a de meilleur que la géopolitique est un art autant qu’une science. Pour être fidèle à sa promesse, il lui faut mêler les faits et la spéculation. Que les spécialistes me pardonnent mais plus on les lit, plus on les prime aussi, et plus on vérifie qu’ils ne sont jamais aussi convaincants que lorsque le rêve et l’imagination viennent, à détour d’une page, au gré d’une notation, relever leurs études savantes d’une pointe de plaisir ou d’effroi.

François Bazin, Secrétaire général du Prix du Livre de Géopolitique, Essayiste, Editorialiste au Nouveau Magazine Littéraire