Annie Cot

Professeure de sciences économiques et
de philosophie de l’économie,
Université Paris I Panthéon-Sorbonne

 
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Sa vitalité est ancienne, sa rigueur est récente. La préhistoire de la presse économique, en France, remonte à la Gazette hebdomadaire de Renaudot, née en 1631. Son animateur offrait des nouvelles abondantes sur la vie commerciale et artisanale à Paris : inventant, pour son profit, la « réclame » dissimulée sous forme rédactionnelle. Des siècles plus tard, sous la Troisième République et dans le confort qu’offrait la loi très libérale de 1881, la presse économique était encore largement stipendiée et souvent affermée, dans l’ombre, aux grandes banques - nombre de journalistes vivant alors moins des articles qu’ils signaient que de ceux qu’ils menaçaient de publier.

L’histoire récente est celle d’un arrachement à cette vénalité. Les Echos, fondé en 1928 par Émile et Robert Servan-Schreiber, joua ici un rôle essentiel: une distance prise par rapport à la seule conjoncture boursière, une ouverture au commerce international, une réflexion sur l’entreprise, un intérêt pour les évolutions de l'économie globale. La Résistance, ensuite, contribua à restructurer le secteur, conduisant à l’émergence d'une presse économique - papier, radio, puis numérique -, assez rentable pour devenir généralement indépendante des intérêts privés et des pressions de l’État. Elle s'affirma comme une nécessité démocratique primordiale. Et c’est au nom de cette même nécessité qu’il revient aujourd’hui aux journalistes spécialisés dans ce domaine d’éclairer et de mobiliser l’opinion publique par leurs enquêtes, leurs décryptages et leurs analyses critiques des débats de politique économique, nombreux et complexes, que soulève la crise profonde qui secoue le monde entier.